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Roger Nordmann

Conseiller national

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26.11.2011 - Forum « Energies positives »

Un nouvel équilibre - Campagne Guillaume Mathelier 2012

Avec Benoit Hamon et Roger Nordmann, Annemasse, 26.11.201

 

Surmonter la dépendance au nucléaire comme l'une des clés du passage à la VIe république  
Pourquoi la sortie du nucléaire est un projet socialiste
 

Discours Roger Nordmann, Conseiller national (député au Parlement suisse), PS, Lausanne.

Guillaume Mathelier m’a fait l’honneur de venir visiter le Parlement helvétique le jour où la Suisse a définitivement décidé de sortir du nucléaire. Guillaume voulait comprendre comment le PS Suisse s’y est pris pour forger une coalition allant des verts au centre-droite pour sortir du nucléaire. Sur le fond, il voulait se renseigner sur la manière dont nous entendons assurer l’approvisionnement électrique et sur les réflexions économiques qui ont poussé la Suisse à faire ce choix. Ce sera l’objet des débats de cet après-midi.

Avant d’entrer dans les considérations chiffrées et pratiques auxquelles, vu ma nationalité, je ne saurais me soustraire, vous me permettrez cependant consacrer ce discours introductif à des considérations plus politiques. Plus particulièrement, j’aimerais mettre en évidence successivement deux choses :

·       Premièrement, il existe un parallélisme, voire un consubstantialité, entre les problèmes structurels de la filière nucléaire et ceux de la Cinquième République. De ce fait, la sortie du nucléaire pourrait être un des éléments-clé du passage à une république modernisé, que d’éminents camarades appellent « la 6ème République ».

·       Deuxièmement, la transformation du système énergétique correspond fondamentalement aux valeurs socialistes, et seul le Parti socialiste est en mesure de porter ce projet, comme on l’a vu en Allemagne et en Suisse.

Mais procédons dans l’ordre, en commençant par un constat. Partout dans le monde, la technologie nucléaire est intimement liée aux structures de l'État. Il y a plusieurs raisons à cela :

  • Le nucléaire suppose une structure monopolistique de l'approvisionnement électrique (même en cas libéralisation formelle). Quasiment partout, cette technologie est en main d’un très petit nombre de grandes entreprises étroitement liées à l'État, non contrôlables et non surveillables.
  • Les risques intrinsèques de cette technologie sont tels que l’Etat central doit mettre sur pied une étroite  surveillance de nature technique et policière, voir militaire (contre le risque de prolifération). Cela n’empêche d’ailleurs pas les entreprises nucléaire d’inverser le plus souvent le rapport de surveillance, en « capturant » les instances censées les surveiller.
  • Les risques du nucléaire sont socialisés (assurance limitée de l’exploitant, prise en charge des déchets par la collectivité pendant des millénaires). On le voit bien au Japon, où, à coups de dizaines de milliards, l’Etat porte à bout de bras TEPCO, l’opérateur de Fukushima. Economiquement, le nucléaire est comme les mammouths bancaires : to big to fail.
  • Pour des raisons économiques, le nucléaire va vers le gigantisme. On essaie de compenser les coûts énormes par des gains d’échelles et par des durées de fonctionnement très longues (au détriment de la sécurité). Toutes choses que les investisseurs privés détestent. Ils laissent donc le champ libre aux entreprises d’Etat ou para-publiques. 
  • Il se forme toujours un lobby nucléaire économico-politique. C'est patent aujourd'hui au Japon. Mais franchement c'est aussi patent France. Cela aboutit inévitablement à construire un État dans l'État, dans une logique de secret.  Pour les Etats possédant la bombe atomique, le lien étroit entre les filières nucléaires civile et militaire renforce encore le phénomène.
  • Dans le nucléaire, la domination d’une petite élite technocratique sortie d’un même moule est totale. La contestation n’est pas admise et la perception du risque est biaisé. (j’y reviendrai).

Mais quel est, me direz-vous, le rapport avec le passage de la Xème à la VIe république ?  Tel que je perçois le débat depuis la Suisse, il me semble que les attentes envers la sixième république sont les suivantes :

  • La nouvelle république devrait être moins centralisée et jacobine que la cinquième, moins encline au gigantisme.
  • réduire la concentration de pouvoirs économiques ou politiques.
  • être plus démocratique et plus à l'écoute des besoins et des désirs de la population : la vérité n’y serait plus assénée de manière centrale, par une petite élite sortie d’un même moule.
  • Être plus respectueuse des citoyens et de leur diversité.
  • être davantage immunisé contre l'influence de l'argent sur les processus de décision politique.
  • avoir un fonctionnement beaucoup plus transparent, en s'écartant de la logique oppressante de la raison d'État.

Or, force est de constater que tous ces aspirations placées dans la sixième République remettent fondamentalement en question la logique de fonctionnement d’un Etat activement pronucléaire.  A bien des égard, les défauts structurels et culturels du nucléaire d’une part et  ceux de la cinquième république d’autre part, sont analogues, lorsque ils ne sont pas identiques. Je ne dis pas cela pour refaire l’histoire conjointe de la cinquième république et des programmes nucléaires. Mais force est de constater une étroite imbrication, en terme de pouvoir. J’en déduis que surmonter progressivement la fascination du nucléaire pourrait grandement contribuer au passage à une 6ème république,  plus en phase avec les aspirations des citoyennes et citoyens.

Un approvisionnement électrique fondé sur le nucléaire est fondamentalement asymétrique et anti-citoyen : c’est une structure d’approvisionnement centralisé et rigide, avec un petit nombre d'énormes installations productrices d'électricité et un grand nombre de consommateurs dispersés.

Partout, le lobby nucléaire déteste l'idée d'une transformation du système énergétique vers une structure beaucoup plus décentralisée, avec des sources d'approvisionnements réparties à proximité des lieux de consommation, voire avec une certaine autoproduction des consommateurs, par exemple avec du photovoltaïque sur les toits.

Mais cette transformation me paraît inéluctable, ne serait-ce que pour des raisons économiques : alors que le nucléaire devient de plus en plus cher, le photovoltaïque et les autres énergies renouvelables ne cessent de voir leurs prix baisser.

C'est, mutatis mutandis, exactement la transformation observée lors passage du système d'information de la télévision à Internet : désormais, les sources d'information sont diversifiées et décentralisées. Cette transformation est emblématique de notre époque. Il ne vous a pas échappé que lors des révolutions arabes, la question de la maîtrise de la télévision était devenue largement secondaire : l'information circulait par les réseaux Internet et de téléphonie mobile. Alors qu'autrefois, la clé de toute révolution était évidemment la prise de la tour de télévision par les rebelles, désormais, la bataille de l’information lieu autour de la maitrise des réseaux.

J’en viens maintenant à la question de savoir pourquoi la sortie du nucléaire est fondamentalement un projet socialiste,  (au sens social-démocrate du terme.).

Etre socialiste, c’est avoir une vision à long terme de la prospérité : Celle -ci doit être partagée et durable. Seules les énergies renouvelables remplissent ce critère. Notre système énergétique ne saurait constituer une hypothèque pour la sécurité et le bien être des générations actuelles et futures. Or le nucléaire fait courir des risques importants.  On nous parlait d’une probabilité d’accident grave de 1 sur 100'000. Or sur les 500 réacteurs en service commercial qu’a connu le monde, 5 ont déjà fini leur vie par une fusion du cœur avec dispersion de radioactivité. Le risque est donc d’au moins de 1/100. Monteriez-vous dans un avion qui a une chance sur 100 de se crasher ?

Cette technologie laisse des déchets toxiques et radioactifs à stocker pendant 200'000 ans. Tout comme notre gloutonnerie fossile, notre production de radioactivité contredit diamétralement le postulat d’une prospérité durable et équitable. Elle détruit les bases physiques de cette prospérité, et les plus démunis seront le plus durement touchés, car ils ne disposent pas des moyens financiers pour se protéger.

Nous voulons, pour nos enfants et pour nous-mêmes, un environnement préservé, au même titre nous souhaitons par exemple manger sainement et disposer de soins médicaux de qualité. Nous ne laissons pas commercialiser des produits alimentaires contaminés ni des médicaments dangereux. Pourquoi accepterions nous rester éternellement inféodé à une source d’énergie toxique ?  Aujourd’hui, les alternatives existent et sont mises en œuvre à large échelle. Il ne s’agit plus de science fiction, mais d’une réalité.

Même si le courant nucléaire devait être durablement meilleur marché au plan étroitement comptable, ce dont je doute par exemple en observant la perte de contrôle du chantier de l’EPR de Flamanville, il finira pas nous coûter très cher. Comme les profits à cours terme de nos banques ont fini nous ont précipiter dans une terrible crise financière. Aujourd’hui, le réalisme économique ne consiste pas à aligner les chiffres biaisés d’hier pour planifier l’avenir. Aujourd’hui, le réalisme économique, c’est l’efficacité décentralisée, pas le gigantisme à la soviétique.

Cette vision signifie notamment de permettre aux particuliers et aux agriculteurs d’investir dans les installations de production décentralisée d’énergie. Cela implique également permettre à chacun d’être plus efficace dans l’utilisation de l’énergie. Ce processus de transformation générera infiniment plus d’emploi dans toutes les régions de la France. Pensez par exemple à tout le travail pour isoler les bâtiments et remplaçer les chauffages électriques directs !

Saviez-vous qu’aujourd’hui, l’Allemagne a plus d’emplois dans le renouvelable que la France dans le nucléaire ? En Suisse, nous avons fait calculer par l’Université de Lausanne que l’assainissement et la modernisation de notre système énergétique induira 150'000 emplois à l’horizon 2030, pour un pays 10x plus petit que la France.

Vous le comprenez : la diminution de la part du nucléaire, avec en perspective l’émancipation de cette énergie, est un projet fondamentalement socialiste.

En tant que socialistes, nous voulons répartir les richesses, répartir la prospérité, répartir la croissance – et donc répartir le pouvoir, alors que la société contemporaine nous montre trop souvent que ceux qui accumulent les biens accumulent aussi ce même pouvoir, au détriment du plus grand nombre.  Lutter contre cette oligarchie doit aussi être notre priorité lorsqu’il s’agit d’énergie.

Nous voulons accroitre l’efficacité énergétique de notre économie. Les améliorations potentielles de l’efficacité sont partout – et le KWh le moins cher et le moins polluant reste celui dont on a su se passer. Mais, et c’est là un point essentiel, nous ne prônons pas l’ascétisme. Nous ne prônons pas le renoncement. L’efficacité vise à maintenir le confort en réduisant le gaspillage.

Au contraire, nous pensons qu’améliorer l’efficacité énergétique et développer les énergies renouvelables, c’est élargir les possibilités d’emplois, d’emplois de proximité, durables et non délocalisables.

Qu’y a-t-il dès lors de plus socialiste qu’une politique qui contribue à créer des secteurs d’emploi à long terme, dans lesquels il est possible d’innover et de conserver par là un leadership technologique ?

Quoi de plus socialiste, alors, que de coupler diminution de la consommation d’électricité, de la production de déchets, du rejet de gaz à effet de serre, avec l’avènement d’un système plus participatif, plus respectueux des volontés et des décisions locales ?

Il n’y a pas de meilleure politique socialiste que celle qui vise à unifier respect des personnes et respect de leur environnement.

C’est là l’exact opposé de la vision du rouleau compresseur  du lobby nucléaire défendu par exemple par Jean-Pierre Chevènement. Candidat à la présidence, celui-ci nous affirme récemment dans Le Monde[1]. :

1)     que la déplacement durable de 80'000 habitants de Fukushima n’est pas un problème grave (en Suisse ou en France, dans des zones plus densément habitées que la préfecture de Fukushima, il pourrait s’agir de 500'000 habitants ou plus, suivant les sites).

2)     et que de contamination radioactive de zones agricoles et habitables pour des décennies ne compte guère.

3)     Dans le même temps, il tait le problème des déchets toxiques et radioactifs.

En lisant cela je me dis que les forces du passés, les forces prêtes à broyer l’individu au nom de la raison d’Etat, sont encore très présentes. Les ressorts de ce discours sont exactement les mêmes que ceux génèrent la fascination des régimes autoritaires pour la technologie nucléaire.

( Lorsqu’on sait que M. Chevènement commet ce discours et ces omissions au nom d’un prétendu « Mouvement républicain et citoyens (MRC) », on mesure à contrario l’immense chemin  déjà accomplis par le PS français.

La position de M. Chevènement  représente le passé alors que PS français prépare l’avenir en préconisant une réduction, certes progressive, de la part de cette technologie. Je suis sûr que les Français et les Français seront infiniment plus souples que les vieux crocodiles de la République. Et qu’ils honoreront le Parti socialiste de leurs suffrages.

Enfin, j’aimerai conclure en disant encore une fois que le PS est le seul à pouvoir porter ce projet. Contrairement à certains écologistes fondamentalistes, les socialistes visent la reconversion énergétique dans une perspective de prospérité et de bien-être plutôt que dans une perspective de  décroissance. Il s’agit précisement de sortir du nucléaire pour assurer la prospérité, pour assurer les emplois et la qualité de vie de demain.

Quant à Nicolas Sarkozy, il a déjà amplement prouvé quelle logique pseudo-libérale l’anime : « privatiser les profits et socialiser les pertes ». Plutôt que de laisser le marché rejeter le nucléaire comme non-rentable, il le soutiendra à bout de bras avec l’argent des contribuables, au non d’une vision autoritaire et rétrograde de la République. Le PS français a dans ce domaine une mission historique, et j’espère qu’il s’en acquittera.

Vous avez, en France, une capacité incroyable de réaliser rapidement des projets. Après avoir, en 30 ans, construit un réseau de TGV que le monde entier vous envie, je suis certain que vous serez capables de convertir rapidement le pays à des énergies propres et sûres. Grâce au PS, qui gouvernera dès 2012, et dont les succès seront, à l’image des énergies propres, sans cesse renouvelés.


 

  

 

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