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Roger Nordmann

Conseiller national

Parti socialiste vaudois / lausannois

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22.2.2016

Discours politique: les prochaines étapes

 

Mesdames et Messieurs,

En 2016, nous commémorons deux tragiques anniversaires.

  • Dans quelques semaines, les 30 ans de la catastrophe de Tchernobyl, déclenchée le 26 avril 1986.

  • Dans quelques jours, les cinq ans de celle de Fukushima, qui date elle du 11 mars 2011.

 

Plus récemment, l’année qui vient de s’achever, l’année 2015, se caractérise non pas par une date catastrophique, mais par la poursuite inéluctable de deux catastrophes, « ongoing », diraient les anglophones :

  • C’est l’année la plus chaude depuis le début des mesures. Le réchauffement climatique est en train de s’accélérer et de s’aggraver.

  • Le conflit moyen-oriental, fondamentalement financé par le pétrole, s’est encore envenimé, poussant des millions de personnes sur les routes de l’exode. Je rappelle ici que si la Suisse se considère comme menacée dans son existence par l’arrivée de 39 000 réfugiés l’année passée, l’Allemagne en a accueilli 1 million et la Turquie 2,7 millions. Ces chiffres justes pour vous remettre l’église au milieu du village.

Paradoxalement, ou enfin, c’est à la fin de cette même année 2015 que la communauté internationale a remis sur les rails la politique climatique lors de la conférence de Paris. Elle montre la ligne à suivre.

Avant de vous parler de politique énergétique, j’aimerais encore remettre en perspective les moyens d’action de la Suisse hors de la politique énergétique. Ces moyens ne sont pas immenses, mais il est évident qu’il faut poursuivre les efforts de médiation dans les conflits, de soutien aux réfugiés à court et à long terme, je pense en particulier à la situation en Turquie, en Jordanie et au Liban. Il faut poursuivre les efforts d’aide au développement. La Suisse fait du bon boulot dans bien des pays. Par contre, son rôle de place financière n’est pas toujours à la hauteur de ses ambitions de développement. Il n’est pas rare que ceux qui sabotent le développement ou séquestrent la prospérité d’un pays cachent cet argent en Suisse, ce qui n’est en rien très glorieux.

Mais surtout, et là je me rapproche du dossier énergétique, il est impératif de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Dans ce dossier, la Suisse mène au plan international un rôle très constructif. Pour un petit pays qui représente environ un pour mille des émissions mondiales, la coopération internationale est le plus grand levier. Mais pour peser au plan international, il faut être crédible à la maison. Autrement dit, il faut effectuer les réductions substantielles de la consommation d’énergie fossile en Suisse même, et non pas les acquérir à l’étranger comme l’on achetait des indulgences au Moyen Âge pour se faire pardonner de ses péchés réels ou supposés.

Agir au niveau Suisse, c’est notre responsabilité ici, comme autorités politiques, mais aussi comme citoyennes et citoyens.

Il est de bon ton de se plaindre que la politique ne fait rien. Pourtant, la comparaison avec ce qui s’est passé après Tchernobyl et ce qui s’est passé après Fukushima montre un grand changement : après 1986, la Suisse s’est contentée de son instrument favori, le moratoire. Il n’y a pas eu l’ombre d’une politique sérieuse de développement quantitatif des nouvelles énergies renouvelables. Et la politique climatique n’était pas vraiment encore à l’agenda.

En 2011, la Suisse a adopté une politique climatique beaucoup plus ambitieuse, même si les aiguillages étaient déjà passés juste avant la catastrophe de Fukushima.

Mais surtout, en 2011, la Suisse a pris la décision de principe de sortir de l’énergie nucléaire, en interdisant la construction de nouvelles centrales nucléaires, en misant sur l’efficacité énergétique et sur le développement des nouvelles énergies renouvelables. Pour la première fois, le gouvernement a reconnu que l’énergie solaire, qu’elle soit thermique ou photovoltaïque, sera un pilier de notre approvisionnement énergétique.

Comme cette politique sérieuse ne se fonde pas sur les effets d’annonce, mais contient des mesures efficaces, telles que la RPC, comme nous le savons bien, son adoption prend du temps. Nous sommes maintenant à bout touchant, à quelques mois de l’adoption au vote final et d’un éventuel référendum. J’y reviendrai.

Justement parce que cette politique contient des mesures efficaces, les adversaires du changement ont tout tenté pour la saboter. Globalement, ils n’y sont pas parvenus même si certains aspects nous déplaisent, comme la limitation de l’octroi de nouveaux projets RPC à 2023. C’est surtout problématique pour l’éolien, mais probablement que le solaire pourra s’en tirer avec le système de la contribution unique, qui sera désormais déplafonnée et octroyée également aux installations jusqu’à une taille de 10 MW ; oui, j’ai bien dit 10 000 kW. On rappellera ici que la stratégie énergétique prévoit aussi de puissantes mesures pour l’assainissement énergétique des bâtiments et l’utilisation du renouvelable comme source de chaleur.

Les élections fédérales de 2015, influencées par l’afflux de réfugiés, et donc indirectement par la voracité pétrolière énergétique, n’ont hélas pas donné de bons résultats. Les forces de la régression en sont sorties renforcées, avec une majorité théorique aux pro-nucléaires, ce qui ne facilite pas l’adoption d’une bonne politique.

Malgré cela, la stratégie énergétique peut encore être sauvée, car en réalité, le temps travaille pour nous pour plusieurs raisons. Au-delà des étiquettes partisanes, on se rend bien compte de quelques évolutions de fond :

  • la construction de centrales nucléaires est devenue totalement impossible pour des raisons économiques : ce serait un véritable gouffre financier.

  • Des cercles de plus en plus larges se rendent compte qu’il en va de même pour les centrales nucléaires existantes : pour poursuivre leur exploitation à long terme, il faudrait investir massivement, et le risque de perte est très important, d’autant plus que le trou futur a déjà une taille considérable, vu les coûts astronomiques du démantèlement et la gestion des déchets.

  • La dépendance aux énergies fossiles est indéfendable sur le plan climatique et constitue également un risque économique, même si les prix du pétrole sont momentanément relativement bas. Au moment où le monde entier aspire à un développement économique, nous avons tout intérêt à nous en affranchir. Sortir de l’électricité nucléaire pour accroitre notre dépendance aux énergies sales constituerait une stratégie à rebours du bon sens.

  • Ainsi, il ne reste plus guère que les énergies renouvelables, ancienne, à savoir l’hydro, et nouvelles, à savoir le solaire, l’éolien, la biomasse et la géothermie, pour produire de l’électricité.

Désormais, l’enjeu est ailleurs : si nous acceptons la stratégie énergétique, l’électricité que nous consommons sera pour l’essentiel récoltée en Suisse. Si la stratégie énergétique est recalée, la Suisse remplacera le nucléaire par des importations, probablement issues d’énergie fossile ou de la queue de comète du nucléaire.

Le premier paquet de la stratégie énergétique n’est qu’une étape sur un long chemin. Mais il va clairement dans la bonne direction et aurait malgré tout un impact considérable, puisqu’il devrait permettre de remplacer plus de la moitié de la production nucléaire. Bien entendu, ensuite il faudra d’autres pas.

Mais politiquement, notre responsabilité, c’est d’accomplir ce pas. C’est possible, à condition de ne pas faire les maladroits, ni de faire exploser les grenades dans notre propre camp, si vous me passez l’expression.

À cet effet, il s’agit de mettre le paquet pour faire accepter cette stratégie énergétique. Vous qui êtes au front du déploiement photovoltaïque, vous savez très bien si la RPC et la contribution unique sont bloquées, on ne progressera pas sur le chemin des énergies renouvelables. Or si la stratégie énergétique est bloquée, le plafond de financement des énergies renouvelables restera à 1,5 centimes par kilowattheures alors que, sinon, il augmentera à 2,3 centimes. Il s’en suivra un effondrement durable de toute la branche.

Dans notre camp, certains regrettent que la stratégie énergétique s’en tienne à la proposition du Conseil fédéral, en ne fixant aucune date d’arrêt pour les centrales nucléaires. Moi aussi, je le regrette. Mais j’observe prosaïquement que, pour l’instant, la fermeture des centrales nucléaires est plus rapide que la planification du Conseil fédéral, puisque la première, Mühleberg, s’arrêtera déjà en 2019, après 47 ans d’exploitation. Il y en a une autre qui est arrêtée depuis une année parce que la structure de l’acier de la cuve présente des analogies frappantes avec un vieux vacherin fribourgeois (pour les Suisses allemands, je précise que le vacherin fribourgeois est un fromage qui ressemble à l’emmental, sauf que les bulles sont plus petites et plus nombreuses).

Surtout, j’observe que les difficultés économiques que les centrales nucléaires génèrent pour leurs propriétaires nous amènent à grands pas au point de bascule : celui où ces installations seront déversées dans une « bad bank », à la façon des actifs pourris de l’UBS ou dans une moindre mesure de l’ancienne Swissair. Ceci pour une raison très simple : avec un prix de revient du kilowattheure entre quatre et demi et sept centimes suivant les installations, impossible de générer une marge commerciale. Au contraire, pour chaque kilowattheure racheté à leurs filiales, ces sociétés perdent un à trois centimes : par exemple en achetant cinq centimes et demi et en le revendant trois centimes et demi sur le marché de gros. Le clou, c’est qu’il existe des contrats qui lient ces entreprises électriques à leurs filiales, les obligeant à racheter cette électricité. Une fois que l’État sera en charge de gérer cette poubelle nucléaire, il sera assez logique de fermer rapidement ces installations pour éviter que le trou financier ne s’agrandisse.

À vrai dire, j’ai presque davantage de soucis comme contribuable que comme antinucléaire lorsque je songe à la fin de cette aventure. Même si je dormirai plus tranquille si j’avais l’assurance que Beznau ne redémarrera jamais.

Ces considérations sur le nucléaire ne tombent pas par hasard dans mon discours : il y a initiative populaire fédérale pour une sortie du nucléaire après 45 ans d’exploitation. Pour des raisons de techniques parlementaires et législatives dont je vous passe les détails, le peuple se prononcera d’abord sur cette initiative populaire, et ensuite seulement, en cas de référendum, probable, sur la stratégie énergétique 2050. Nous nous retrouverons donc à mener deux combats, en commençant par le plus difficile, à savoir l’initiative populaire. Pour les fans du romantisme de la démocratie directe, je rappelle qu’en général, les initiatives rationnelles n’ont aucune chance et que les seules initiatives acceptées, ce sont celles qui sont ségrégationnistes contre un petit groupe de population, par exemple les étrangers, les pédophiles, les minarets ou les camions étrangers, lorsque ce ne sont pas des camions pédophiles.

Il faudra donc que les auteurs de l’initiative évaluent bien s’il est sage de la maintenir, ou s’il ne vaut pas mieux retirer cette initiative pour concentrer nos forces sur la stratégie énergétique 2050. Ceci en ayant à l’esprit, d’une part, que le lobby des énergies sales possède une puissante caisse de guerre qui lui donne les moyens de mener des campagnes de votation successives. Et que, d’autre part, la réalité économique est en train de creuser la tombe du nucléaire.

Après la session de printemps, qui verra la fin du traitement de l’initiative populaire au Parlement, leurs auteurs devront faire ce choix difficile. Dans une démocratie représentative, ce sont les élus qui assumaient ce type de choix difficile. Mais dans notre démocratie semi-directe, ce choix incombe aux citoyens et aux citoyennes qui composent un comité d’initiative. La responsabilité est lourde, car si, en fin de compte, l’initiative populaire entraîne la stratégie énergétique dans sa chute, alors leur responsabilité face à l’histoire sera immense.

Quoi qu’il en soit, s’il y a les deux votations, nous voterons 2 x oui, à l’initiative et à la stratégie 2050. Mais en concentrant tous nos moyens sur la stratégie 2050. Car une chose est claire : si la stratégie énergétique 2050 n’entre pas en vigueur en 2018, on assistera à la fermeture de nombreuses entreprises de notre branche.

Le texte parlé fait foi.

 

 

 

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1.04.2017