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Roger Nordmann

Conseiller national

Parti socialiste vaudois / lausannois

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11.12.2014

Bilan du traitement de la stratégie énergétique 2050 au Conseil national

Sachant que dans la démocratie suisse, il est impossible d'avoir raison tout seul, le groupe socialiste aux Chambres fédérales a d'emblée cherché des partenaires politiques pour forger la sortie du nucléaire après la catastrophe de Fukushima. Cette stratégie s'est matérialisée par une solide alliance entre cinq partis politiques : d'une part les Verts, les Verts-libéraux et les Socialistes, tous antinucléaires de longue date, et d'autre part les Démocrates-chrétiens et les Bourgeois-démocrates. Suite à la catastrophe Fukushima, ces deux derniers partis ont eux aussi décidé qu'il fallait engager la Suisse sur le chemin de la sortie du nucléaire et de la transition énergétique. Le PS leur a donc tendu la main pour une alliance.

Dans les semaines qui ont suivi la catastrophe de Fukushima, le PS a forgé cette alliance, qui a tenu jusqu'au terme des débats du Conseil national le 8 décembre 2014. La décision historique du Conseil fédéral, prise par les quatre femmes qui siégeaient alors gouvernement, a permis de matérialiser cette alliance dans un bon projet de loi englobant l'ensemble de l'approvisionnement énergétique. Il faut relever que l'engagement de Doris Leuthard n'est pas étranger à la qualité du dossier. Le principe de travail de l'alliance était assez simple : nous adoptons toutes les mesures qui font l'unanimité au sein de notre alliance. En pratique, cela nécessite des heures de discussion pour que le contenu soit substantiel malgré cette exigence d'unanimité. Entre le président bourgeois-démocrate d'une entreprise exploitant une centrale nucléaire, la présidente socialiste de pro Natura, un vert zurichois, le président du gouvernement Appenzellois, un valaisan conservateur et défenseur de l'hydoélectricité, un socialiste Vaudois et bien d'autres encore, la discussion n'a pas toujours été simple. Chacun pouvait garder son souhait d'aller plus loin, mais devait soutenir le consensus atteint. L'opposition acharnée de l'UDC et le double langage du parti Radical-libéral nous ont forcé à travailler selon cette méthode. Involontairement, la hargne des pro-nucléaires a finalement abouti à consolider notre alliance.

Sur le fond, les principaux éléments du paquet accepté lors de la session d'hiver sont les suivants:

  • Interdiction de la construction de nouvelles centrales nucléaires.

  • Principe d'un approvisionnement reposant toujours plus sur les énergies renouvelables

  • Objectif d'une réduction de 43% de la consommation d'énergie par personne à l'horizon 2035 (fossile compris)

  • Objectifs d'une stabilisation de la consommation globale d'électricité (-13% par personne d'ici 2035)

  • Augmentation du soutien à la production d'électricité d'origine renouvelable (passage du "supplément de réseau" de 1.5 à 2.3 centimes par kilowattheures). Ce montant permettra, dans les conditions actuelles, de remplacer l'électricité des trois petites centrales nucléaires.

  • Réorientation du système du rachat à prix coûtant de manière récompenser le fait de produire lorsque la demande d'électricité est élevée, vice versa.

  • Ouverture du système de la rétribution unique pour les installations solaires au-delà de la limite de 30 kW, sans fil d'attente.

  • Instauration de contributions d'investissement aux grandes installations hydroélectriques pour projet amenant une production additionnelle. En contrepartie, nous avons limité les possibilités de la micro-hydraulique dans les rivières encore intactes. Il s'agit de permettre l'investissement dans l'hydroélectricité malgré des prix de gros très défavorables, tout en réduisant au minimum le dommage la nature. Nous avons baissé le tarif hydraulique maximum de 0.38 à 0.20 par KWh, estimant que l'hydroélectricité ne doit pas coûter plus cher que l'énergie solaire. Ces aspects ne figuraient pas dans le message du Conseil fédéral

  • Système de bonus-malus pour les exploitants de réseaux de manière financer leurs efforts visant à soutenir les économies d'électricité de leurs clients. Sur ce point, le Conseil fédéral avait proposé un autre dispositif très bureaucratique (« les certificats blancs »). La commission l'avait rejeté, sans pour autant se mettre d'accord sur une alternative. C'est le plénum du Conseil national qui a imposé la solution, qui mérite encore d'être paufinée au Conseil des Etats.

  • Adoption des nouvelles normes européennes d'efficacité pour les voitures et les camionnettes (95 g respectivement 147 g de CO2 par kilomètre), à l'horizon 2020.

  • Renforcement du programme d'assainissement des bâtiments et de soutien aux renouvelables pour la production de chaleur, y compris par la géothermie de moyenne profondeur.

  • Exigence faite aux cantons de durcir les normes d'efficacité des bâtiments.

  • Possibilité d'étaler les déductions fiscales pour la rénovations des bâtiments sur 4 ans supplémentaires, de manière à encourager la rénovation en une fois, avec un concept global. Seules les rénovations permettant d'atteindre un standard élevés donneront droit à la réduction. La durée de quatre ans nous parait excessive et constitue une nouvelle poche d'optimisation fiscale. Le PS s'est opposé sans succès à cette adjonction qui ne figurait pas dans le message du Conseil fédéral.

Sur la question politiquement très délicate de l'arrêt des centrales nucléaires existantes, la solution n'est pas entièrement satisfaisante. Alors que le Conseil fédéral proposait de ne rien changeait à la situation actuelle, laquelle ne prévoit aucune limitation dans le temps, le Conseil national a quand même décidé de limiter à 60 ans au maximum la durée de vie des anciennes centrales nucléaires (Beznau et Mühleberg). Il a en outre durci substantiellement les conditions l'exploitation des centrales nucléaires de plus de 40 ans : celles-ci devront présenter un concept d'exploitation à long terme, qui sera validé pour une durée maximum de 10 ans, renouvelable. De facto, les centrales nucléaires n'ont donc plus d'autorisation illimitée comme aujourd'hui. La position de l'inspectorat de la sécurité nucléaire est substantiellement renforcée, puisqu'il aura la possibilité d'ordonner la mise hors service de centrales qui ne respecteraient pas ce concept. Reste à savoir s'il aura le courage d'utiliser ses nouvelles prérogatives. En pratique, ce concept d'exploitation à long terme impose des rééquipement coûteux et devrait accélérer la fermeture des centrales. Le lobby acharné du CEO d'Axpo contre ce dispositif est un indice qui ne trompe pas.

Estimant que sur ce point, le projet adopté au Parlement n'était pas encore satisfaisant, le Groupe socialiste a soutenu l'initiative populaire "pour la sortie programmée du nucléaire", qui vise à limiter à 45 ans la durée d'exploitation des centrales. La lutte pour la fermeture des centrales nucléaires doit donc continuer.

Contrairement à la paralysie qui avait suivi la catastrophe de Tchernobyl, le Parlement est donc parvenu cette fois-ci à prendre des décisions ambitieuses. Pour y parvenir, nous autres socialistes avons dû accepter de ne pas tout obtenir en une seule fois. Mais il était de notre responsabilité de faire avancer concrètement le dossier, et le processus engagé est désormais irréversible.

Il fera de la Suisse un pays plus efficace, plus propre et plus sûr.

RN, 11.12.2014