Retour à la page d'accueil

Roger Nordmann

Conseiller national

Parti socialiste vaudois / lausannois

Aller au site du Parti socialiste vaudois

retour à la page d'accueil

Page de mon ancien site

(archive provisoire)

Retour au site

 

 

   

Le Temps 5.11.2014

Colloque Ouestrail 31.10.1014

Que faut-il faire pour augmenter la part modale du rail en trafic marchandises intérieur ?

 

Mesdames et Messieurs, chers amis

Que faut-il faire pour augmenter la part modale du rail en trafic marchandises intérieur ? C'est l'intitulé qui a été choisi pour mon exposé, et vous imaginez bien que si j'avais la réponse définitive à la question, je serais un homme heureux.

Dans l'idée d'essayer d'avancer dans la recherche cette réponse, je vais me concentrer sur l'analyse des défis et des atouts relatifs de la route et du rail dans le transport des marchandises. Cela permettra d'esquisser quelques pistes,  en remettant certaines certitudes en question. Je conclurai l'intervention en vous parlant de la prime de transbordement que la Commission du Conseil national a introduite dans le projet de loi sur le transport des marchandises.

Quels sont les atouts actuels du rail, en comparaison de la route ?

Premier grand avantage, la traction électrique et la grande efficacité énergétique (environ 5 fois plus efficace, dans une comparaison rudimentaire)

Deuxièmement les gains d'échelle : un mécanicien peut facilement transporter 1000 tonnes, alors qu'il faut plus de 30 chauffeurs des camions pour atteindre la même performance. Plus la distance est longue, plus les avantages comparatifs du train sont marqués, car il n'est pas forcément nécessaire de faire des pauses.

Troisièmement, le rail a le potentiel pour être extrêmement ponctuel. Nous avons tout ce que la ponctualité n'est pas toujours parfaite en particulier sur l'axe nord-sud de, pour de multiples raisons. A l'heure du just-in-time et des chaînes de logistique tendues, c'est un élément décisif. Le rail ne souffre pas des embouteillages routiers.

Quatrièmement, le train peut circuler la nuit, et les améliorations en matière phonique (paroi antibruit et matériel roulant modernisé) sont en train de consolider cet avantage.

Cinquièmement, le matériel roulant est d'une extrême durabilité : une durée de fonctionnement de 40 ans n'ont rien d'exceptionnel

Quels sont les atouts actuels de la route, en comparaison du rail ?

Le principal atout du camion, absolument fondamental et pérenne, est celui de pouvoir desservir n'importe quel point du territoire situé sur le réseau routier.

Le deuxième atout est celui de la flexibilité et du fait que le camion est aussi performant pour des petites distances et les petites quantités, d'autant plus qu'il peut déléguer à sa petite sœur, la camionnette de livraison.

Troisièmement, le trafic des marchandises par camion est largement décentralisé et fonctionne de manière autonome, sans coordination centralisée.

Quatrièmement, le camion est aussi performant dans le chargement,  le déchargement et dans les fonctions accessoires, comme par exemple la grue mobile ou le pompage.

Cette brève comparaison met en évidence une forte complémentarité des profiéls de deux modes de transport.

Contraintes et évolutions

Avant d'en déduire une stratégie, permettez-moi une brève analyse des contraintes   d'infrastructures et des évolutions technologiques:

L'extension des infrastructures ne pourra être que marginale: pour le rail, le peuple a approuvé un projet, le FAIF. Il apporte des optimisations ponctuelles dans les endroits les plus chargées, mais sans démultiplier des capacités. Ainsi, la construction de lignes dédiées aux marchandises dépasserait complètement les capacités financières. S'agissant des autoroutes, le financement est encore plus compliqué et l'acceptabilité des travaux moindre : même si le peuple approuvait la construction massive de nouvelles autoroutes, ce dont je doute, on n'arriverait probablement ni à les financer, ni à savoir où les faire passer. Les deux modes de transports vivent donc dans un monde d'infrastructures durablement limitées, qui les oblige à optimiser et à collaborer, comme le montre cette journée. En outre, sur la route comme sur le rail, l'emploi accru d'auxiliaires électroniques  permettra, sur la même infrastructure, de dégager davantage de capacités et d'augmenter la sécurité.

Si je ne m'attends pas des changements majeurs et des percées technologiques et dans le secteur du rail (auf le passage progressif des trains marchandise à 120 KM/h), il n'en va pas de même pour la route. Il faut s'attendre d'une part un accroissement des embouteillages. Paradoxalement, la réduction de la consommation d'essence des voitures et leur électrification progressive pourrait avoir comme effet d'augmenter le trafic routier, et donc les embouteillages. C'est le fameux « effet rebond ». Mais les camions pourraient eux aussi tirer parti de l'électrification. Pour parcourir localement 300 km par jour, le camion électrique pourrait s'imposer assez rapidement, réduisant ainsi les nuisances, la consommation d'énergie et l'empreinte environnementale. Les premiers essais dans ce sens sont plutôt encourageants, d'autant que les pauses de repos obligatoire peuvent aussi servir à recharger la batterie (Photon Juillet 2014). Si l'investissement est plus élevé, l'économie d'énergie est de Fr. 20'000.- par ans.

Quelles sont les conséquences stratégiques ?

D'abord, il faut observer que les entreprises routières s'adaptent très rapidement aux nouvelles circonstances. La diversité des acteurs permet de tester différentes stratégies, qui sont ensuite imités. Pour le rail, une approche plus stratégique est nécessaire, vu la structure et le temps d'adaptation.

J'aimerais esquisser les thèses suivantes:

Le rail ne peut progresser qu'en se focalisant sur ses atouts concurrentiels, qui sont les suivants:

  • les distances à partir d'une centaine de kilomètres (en Suisse) et l'import-export : en fait, tous les cas où le trafic routier devrait passer par les autoroutes ou faire de longue distance sur des routes cantonales.
  • Dans les cas où la route est embouteillée ou lorsqu'il s'agit de grandes quantités et de matériaux lourds, parfois même sur des distances plus court si l'on pense à l'exemple Apples-Genève pour les graviers.
  • la ponctualité et l'atout nocturne.

Par contre, pour la distribution fine, le rail n'est pas rationnel : occuper un sillon pour acheminer puis rechercher deux  wagons isolés tous les trois jours à 7 kilomètres d'un nœuds ferroviaire ne peut guère se justifier sur le plan économique et sur le plan écologique. Faire  le Last mail camions consomme probablement moins de diesel qu'une loc de maneouvre et libère le sillon pour le trafic voyageurs, ce qui permet d'éviter des centaines trajets en voiture. L'électrification de la flotte de camion courte-distance va encore affaiblir l'argument écologique s'agissant de la distribution fine sur le rail. L'avenir n'appartient donc clairement pas aux transports par wagons complets isolés.

Le rail a deux donc atouts majeurs:

  • les trains complets circulant régulièrement en provenance ou à destination de centres de production ou de distribution. Ce trafic peut être saisonnier, si l'on pense par exemple aux betteraves.
  • Le trafic régulier entre plates-formes de transbordement de containers et de semi-remorques grutable. L'acheminement du last-mile par voie routière permet d'augmenter très sensiblement le nombre de clients potentiels, si l'on pense par exemple à un rayon de 15 km autour d'une plate-forme de transbordement. Cela permet de bénéficier sur le rail des gains d'échelle pour les navette entre plates-formes.

L'enjeu central, c'est donc de faire en sorte que le regroupement des marchandises vers les plates-formes de transbordement fonctionne et soit suffisamment attrayant pour faire faire évoluer le fonctionnement du système de transport dans ce sens.

 

Le projet de révision de loi sur le transport marchandises, tel qu'il est sorti des débats la commission du Conseil national, essaye d'aller, un peu, dans ce sens :

·       Evidemment, les outils d'une planification anticipée des sillons nécessaires au trafic ferroviaire ont été maintenus, dans le but de réduire les conflits avec le trafic voyageurs.

·       Le crédit d'investissement pour les infrastructures de transbordement a été augmenté de 300 millions. Il est désormais possible de cofinancer les infrastructures portuaires de Bâle

·       J'ai fait introduire dans la loi à l'art 9a la possibilité pour le Conseil fédéral d'affecter une partie du crédit à une prime de transbordement à la pièce (ou plus exactement au container). Il s'agit de diminuer l'inconvénient économique de devoir transborder. L'idée est la suivante : il existe déjà de nombreuses plates-formes de transbordement dont beaucoup sont sous-utilisées. Contrairement au Conseil fédéral, je ne pense pas qu'il faille procéder uniquement par des investissements, dont certains pourraient ne servir à rien. A mon sens, il faut aussi pouvoir stimuler l'utilisation des plates-formes existantes de façon à aboutir à un réseau d'une cinquantaine points de transbordement publics exploités de manière intensive et performante. La proposition a été acceptée que par une voix d'avance, je compte donc sur votre soutien dans différents réseaux pour la faire accepter au plénum du Conseil national puis au Conseil des états.

Reste encore un problème: la majorité refuse de fixer un objectif de transfert pour le trafic non transalpin. On vote donc un crédit-cadre de 300 millions sans objectif quantitatif, ce qui n'est pas très sérieux à mon sens.

En conclusion, la Loi n'aura d'effets positifs que si l'on a le courage d'éviter la dispersion technologique et géographique: l'avenir est au transport combiné. Et à la planification. A cet égard, quelques progrès sont encore nécessaire: ce matin, en venant en train de Lausanne à Yverdon, j'ai croisé 6 installations de transbordement sur 40 Kilomètres.