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Discours de conclusion que l'assemblée générale de l’ATE, Glaris, 23.6.2012 Roger Nordmann, Conseiller national, Vice-président de l’ATE. Les six défis et les cinq forces de l’ATE. Mesdames et Messieurs, chers militants chers amis, Nous venons de discuter en long et en large des enjeux énergétiques de la mobilité à l'horizon 2050. Nous avons constaté qu'il s'agit d'un des domaines où la politique énergétique est la plus faible. Cela nous ramène donc aux décisions politiques qu'il s'agit de prendre, et donc à l'agenda politique de ces prochaines années. Arrivé au terme de cette assemblée générale, vous me permettrez d'esquisser les grandes batailles de la politique des transports à venir , mais aussi de rappeler qu'en démocratie, les choix politiques reflètent aussi dans une large mesure les préférences des citoyennes et des citoyens. Ces prochaines années, nous allons vers une série de votations fédérales en matière d'infrastructures de transport, du financement des transports et d'environnement. 1) La loi sur l’aménagement du territoire La première qui s'annonce est celle sur la modification de la loi sur l'aménagement du territoire. Sans faire des miracles, cette loi augmente les exigences en matière de connexions aux transports publiques, préconise la densification et entend lutter contre l'éparpillement urbain et le mitage du territoire, dont les conséquences ne sont pas seulement désastreuses en matière de paysage, mais aussi de transport. Au terme d'une bataille homérique au Parlement, et grâce à l'appui de l'initiative pour le paysage - désormais retiré conditionnellement à l'acceptation la loi - le résultat se laisse voir. Sans être une panacée, elle constitue indubitablement une amélioration. Différents cercles, allant du PDC valaisan aux milieux immobiliers semblent bien décidé à lancer un référendum. La votation pourrait avoir lieu en novembre 2012 ou en février 2013. 2) Le tunnel du Gothard Il y a ensuite la fameuse affaire du tunnel du Gothard. Le lobby des routes et celui de de la construction font un forcing d’enfer pour construire un nouveau tunnel autoroutier au Gothard. Ils refusent de saisir la chance que représente la fermeture temporaire pour rénovation du tunnel actuel afin de renforcer le transfert vers le rail. Ils souhaitent au contraire saisir cette occasion pour construire un deuxième tunnel autoroutier et saboter le transfert du trafic marchandises vers le rail. Comme ils n'osent pas attaquer frontalement l'article constitutionnel sur la protection des Alpes, qui empêche d'augmenter la capacité de transit, ils essayent d'utiliser des astuces juridiques. Par exemple en disant qu’après le chantier de rénovation de l'ancien tunnel, le nouveau et l'ancien tunnel seront chacun exploité à une seule piste alors même qu'ils en comportent deux. Et qu'ainsi, la Constitution serait respectée. Que cette opération coûte un milliard et demi de francs de plus que le concept d'assainissement accompagné d'une chaussée roulante de remplacement ne les dérange absolument pas. À leurs yeux, ce surcoût est même un avantage, puisque cela signifie plus de chiffre d'affaires dans le bétonnage. La Conseillère fédérale Doris Leuthard, sans avoir pris position sur le fond de la question, nous a cependant assuré qu'une modification législative serait nécessaire pour garantir le concept d'exploitation de deux fois une voix, ce qui signifie qu'en principe nous devrions pouvoir saisir le référendum. Je le dis au conditionnel, car je soupçonne une majorité du Parlement d'essayer de construire ce deuxième tube routier par une procédure qui empêche le référendum. On les comprend, vu le résultat peu enthousiasmant pour eux de la consultation populaire dans le canton d'Uri l'année passée. 3) Notre initiative « pour les transports publics » et FAIF/FABI Il y a ensuite notre initiative pour les transports publics et le contre-projet FAIF pour le développement de l'infrastructure ferroviaire. Bien qu'insuffisant, le contre-projet comporte cependant des aspects intéressants, comme par exemple le plafonnement des déductions kilométriques sur la déclaration d'impôts. En outre, les différents positionnements des acteurs et le début des délibérations en commission du Conseil des états laissent espérer certaines améliorations. À ce stade, il est trop tôt pour prévoir qu’elle sera exactement la géométrie de la votation et qu’elle sera notre positionnement. Nous ne pourrons nous positionner définitivement qu’au terme des débats du parlement. Mais deux choses sont sûres : il y aura une votation populaire exigeant la double majorité, puisque tant le contre-projet que l'initiative impliquent des modifications constitutionnelles. Et l’ATE s'engagera à fond dans cette votation cruciale pour l'avenir des transports publics. 4) La vignette autoroutière Sans préjuger l'ordre chronologique exact, on ne saurait exclure une votation sur la question de la vignette autoroutière. Vous avez vu que nous sommes parvenus au Conseil national à limiter la hausse de la vignette à fr. 70 plutôt qu’à fr. 100.-. Quand je dis « nous », je pense à l’ATE, dont le rôle a été central dans les « pas perdus » du parlement pour forger cette majorité. Pour ceux qui sont un peu surpris par ce positionnement, l'explication est toute simple : l'augmentation de la vignette à fr. 100.- plutôt que fr. 70.- avait pour unique objectif de financer la réalisation rapide de l’Oberlandautobahn, c'est-à-dire la boucle autoroutière autour du lac de Zurich. Faute de pouvoir attaquer le projet en référendum – c’est un arrêté fédéral simple, nous nous sommes attaqué au financement. A notre grande surprise, nous avons pu réunir une majorité, et il faut y voir un effet positif imprévu de notre initiative « Pour les transports publics ». Notre initiative et l’affectation de moyens routiers au rail énerve en effet tellement l'UDC que celle-ci a décidé de s'opposer à la hausse vignette tant que notre initiative n'était pas rejetée par le peuple. C’est grâce à ce raisonnement bizarre de l'UDC que nous avons pu réunir une majorité pour limiter la hausse à fr. 70. Et peut-être que l'UDC nous offrira un référendum clé en main, spécialement si finalement si, sous la pression du Conseil des Etats, c'est le chiffre de fr. 100.- qui serait malgré tout retenu. C'est une votation populaire qui pourrait avoir une géométrie quelque peu particulière, mais si c'est le coût à payer pour limiter l'euphorie autoroutière, alors pourquoi pas. Entretemps, leTribunal fédéral a pris ce jeudi une excellente décision, en recalant totalement le projet d’autoroute dans l’Oberland zürichois. Dès lors, il est aussi possible que le Conseil des Etats se rallie aux fr. 70.-. Dans ce cas, un soutien à un référendum UDC ne se justifierait plus guère, dans la mesure où la passage de fr. 40.- à 70.- sert à financer principalement des transferts de tronçon des cantons à la Confédération. Par contre, une augmentation à fr. 100.- pourrait servir à construire d’autres projets tout aussi discutables de celui qui vient de s’embourber définitivement dans un marais. Bref, affaire à suivre de près.
Malheureusement pour vous je ne suis pas au terme de mon énumération des prochaines votations populaire fédérale en matière de transport, puisqu’il y en a encore deux. 5) « FAIF pour les autoroutes » Les milieux routiers ont fait passer au conseil national une motion demandant d'établir un programme de développement autoroutier et un financement sur le modèle de celui qui est proposé le domaine ferroviaire avec le projet pour FAIF. Cela impliquera évidemment une modification de la constitution. Si le Conseil fédéral cède à ces sirènes et, dans un élan de retour aux « sixties », se lance dans la planification et le financement de nombreuses extensions au réseau autoroutier, il est évident que nous devons le combattre. Comment autant, au moment où la crise écologique et énergétique s'accentue, miser sur des infrastructures voraces en énergie et en territoire, qui répondent à une conception du siècle passé ? Poser la question c’est y répondre 6) Augmentation de l'impôt sur les huiles minérales La charge de trafic sur les autoroutes est telle que celles-ci se dégradent rapidement. Les coûts d'entretien sont absolument colossaux, parce que très souvent, il faut quasiment procéder à une reconstruction du segment de route après 30 ou 40 ans de vie. Les charges d'entretien explosent, et cela nécessite des ressources financières. Comme parallèlement, il s’insrit enfin une légère décrue de la consommation d'essence et du diesel par le biais de l'amélioration des moteur, le financement par le biais de l'impôt sur les huiles minérales pourrait commencer à diminuer. Une hausse de l'imposition sur les huiles minérales de devient incontournable. En soi, les effets de ce renchérissement des carburants pourraient être assez positifs, en exerçant un effet modérateur supplémentaire sur la consommation. Aussi longtemps que le produit de cette hausse sert à l'entretien du réseau, je n'y vois pas vraiment d'inconvénients. Par contre, s'il s'agit de financer des zones augmentation massives des capacités du nouveau segment, alors le remède serait clairement pire que le mal, puisque nous savons que toute capacité autoroutière finit par être utilisée pleinement, spécialement à proximité des agglomérations. Il s'agit donc ici aussi d'un dossier qui pourrait bien d'une manière ou d'une autre se solder par un référendum, même si, vu les incertitudes sur le contenu et l'ampleur, il n'est pas encore clair de quel côté nous nous positionnerions. Les cinq forces de l’ATE Face à cet agenda politique national, la Suisse a plus que jamais besoin de l'ATE. Le même constat vaut au niveau cantonal et communal, où de très nombreuses décisions en matière d'aménagement du territoire et d'infrastructures de transport, mais aussi d'aménagement et de pratique de l'espace public sont à l’agenda. La première force de l’ATE, ce sont ses membres. Après une phase de déclin consécutif à l'affaire du stade de Zurich, nous sommes parvenus, en 2011, à stabiliser les effectifs aux alentours de 110 000 membres. C'est un grand succès, qui est du non seulement à notre positionnement, mais aussi aux efforts conjoints et coordonnés de notre division marketing et de nos sections. J'aimerais vous en remercier et vous inciter à poursuivre l'effort, car vu l’agenda, nous devons plutôt augmenter les effectifs. La deuxième force de l'ATE, ce sont évidemment ses militants, dont une partie est réunie aujourd'hui dans cette salle. Les militants de l'ATE font vivre les comités locaux et portent les couleurs de nos valeurs dans les cantons et les communes. Sans vous, nous ne serions qu’une armée mexicaine. La troisième force de l'ATE, c'est son financement dual. Nous nous finançons à la fois par les cotisations et les dons des membres, et par le produit de nos prestations commerciales avantageuses achetés par ces derniers. Notre bonne connaissance des besoins en matière de transport et notre approche non-dogmatique permet de dégager un surplus substantiel que nous investissons dans les activités de politique des transports au sens large. La quatrième force de l'ATE, c'est sa crédibilité par exemple en matière de sécurité routière ou de protection de l'air. C'est aussi sa crédibilité en matière d'aménagement du territoire : lorsque nous intervenons dans des projets de construction, nous sommes souvent entendus. La plupart du temps, nous n'avons même pas besoin de faire recours, et lorsque nous le faisons, nous gagnons de large majorité des cas. La cinquième force de l'ATE, c'est son secrétariat central hautement professionnel. Nous sommes désormais en mesure d'intervenir sur la quasi-totalité des dossiers de politique des transports, et nous venons d'engager d'ailleurs un excellent lobbyiste pour le parlement. Avec toutes ses forces, me direz-vous, l’ATE ne peut que s'imposer. C'est vrai, nous pouvons être fiers. Nous sommes capables de lancer plus ou moins seule initiative populaire ou un référendum, et il est difficile de faire accepter aux votations populaires un projet qui serait combattu par l’ATE. Et comme l'observait très justement le journaliste de la NZZ qui rapportait sur notre conférence de presse annuelle, grâce à notre initiative populaire, nous nous sommes remis au centre du jeu politique en matière de développement des transports publics. Rarement, un tel compliment ne nous aura été concédé dans la NZZ. Besoin de valeurs partagées par l’opinion publique Mais l'étalage de nos forces auxquelles je viens de procéder ne doit pas nous faire perdre le sens des réalités. Fondamentalement, toute cette construction repose sur le consensus et les valeurs ancrées dans la population suisse. La transformation de notre système de transport vers la durabilité ne sera possible que si la population y adhère. C'est évidemment vrai dans la dimension politique, vu que nous vivons en démocratie. Mais c'est aussi vrai dans la dimension pratique, celle des comportements au quotidien. Le soutien au développement ferroviaire, le scepticisme de la population envers des extensions autoroutières et l'affection pour la mobilité douce et les transports publics ne peuvent être considérés comme acquis à tout jamais. Au contraire, il faut inlassablement poursuivre ce travail de conviction de la population, pour qu’elle adhère aux valeurs qui sont les nôtres. Dans ce travail, notre image constitue une ressource importante, et nous devons la soigner. Il est aussi très important d'accepter que certaines tranches de l’opinion publique éprouvent une certaine sympathie pour nos positionnements, mais puissent à l'occasion être effrayée par une radicalité excessive. Il s'agit donc de faire preuve d'une certaine souplesse et diversité dans le dialogue avec l'opinion publique, ceci tout en restant totalement fidèle à nos valeurs. Je vous remercie de votre engagement.
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |