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Forum Infra-Suisse 7 février 2012 La transition énergétique sera un fabuleux moteur économique Roger Nordmann, Conseiller national, PS, VD Membre de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie et de la Commission des transports et des télécommunications, Président de Swissolar, vice-président de l’ATE. Au cours des 30 dernières années, d'énormes investissements ont été consentis dans le secteur des télécommunications et de l'informatique. Le mouvement se poursuit aujourd’hui avec l’installation de la fibre optique. Dans le même temps, notre pays a relativement peu investi dans les infrastructures de production et de transport d'énergie. Les dernières grandes infrastructures électriques inaugurée furent les centrales nucléaires, mises en service durant les années septante et huitante. En matière d'énergie, nous vivons en quelque sorte de la substance, en tirant parti d’équipements amortis de longue date. Certains barrages encore en fonction aujourd'hui furent mis en service il y a plus d’un siècle. Quant aux lignes à hautes tensions, elles datent pour l’essentiel des « trente glorieuses ». Le domaine des transports représente un cas intermédiaire : la Suisse investit encore, mais modérément. Ici aussi, elle bénéficie d’investissement très anciens (le réseau ferré) ou anciens (les autoroutes). L’essentiel des dépenses va à l'entretien lourd et l'amélioration ponctuelle d'infrastructures existantes, telles les autoroutes, l’amélioration de la capacité des lignes ferroviaires ou les gares. Le domaine connexe du bâtiment représente également un cas intermédiaires en terme de dynamique : on investit passablement dans les nouvelles constructions et dans l'assainissement du bâti existant, mais en moyenne, les bâtiments sont relativement anciens. La transition énergétique qui s'annonce va profondément chambouler ce tableau et déplacer le focus ver les infrastructures « physiques », par opposition aux infrastructures informatiques. Induite par l’épuisement des ressources fossiles, le développement rapide de la demande des pays émergeants ainsi que les risques nucléaires et climatiques, cette transition énergétique se caractérise en effet par deux processus centraux:
Comme notre consommation énergétique est intrinsèquement liée à nos infrastructures physiques, la transition énergétique nécessite une accélération drastique de la modernisation de nos infrastructures. Concrètement, il se dessine quatre principaux champs d'action :
Même si d’autres domaines comme l'électrotechnique, l'isolation, la technique du bâtiment et l'électronique sont également concernés, il paraît clair que le secteur d'activité recouvert par infra-suisse se tailla la part du lion lors de la transition énergétique. Dans le secteur des transports, l'entretien des infrastructures routières vieillissantes et le développement des infrastructures ferroviaires représentera un travail colossal pour votre branche. Son financement dépend cependant étroitement des décisions politiques, des allocations budgétaires et des dispositifs de financement. Comme l'a montré le rejet du contre-projet Avanti en 2004, l'enthousiasme de la population pour de nouveaux projets routiers est limité. En revanche, les projets de transports publics (ferroviaires, mais aussi routiers) jouissent d'un large soutien. Ce n'est pas un hasard : l'opinion publique a bien compris qu’ils s'inscrivaient dans une logique d'assainissement environnemental de la mobilité. Le secteur de l'énergie, en particulier électrique, offre des perspectives absolument passionnantes pour le secteur recouvert par infra-suisse. On mentionnera pêle-mêle : modernisation et enfouissement de certaines lignes électriques, assainissement des barrages, renforcement des infrastructures de pompage turbinage sur les barrages existants, création de nouvelles installations hydroélectriques, soubassement des installations éoliennes, éventuellement soubassement des infrastructures solaires si l'on décide d'utiliser d'autres surfaces que celle des toits existants, forages géothermiques, etc. Avec la nouvelle Loi sur l'approvisionnement en électricité de 2007, les bases d'un financement durable ont également été posées, même si certains aspects méritent encore d'être ajustés. Les entreprises électriques peuvent répercuter sur le consommateur le coût d'amortissement et la charge d'intérêt lié aux réalisations dans le secteur des réseaux. Grâce au mécanisme de rachat à prix coûtant des énergies renouvelables (RPC), il en va de même pour les capacités de production renouvelables additionnelles (à l'exclusion de la grande hydraulique supérieur à 10 MW). Le coût de leur développement est partagé équitablement entre tous les consommateurs d'électricité par le biais d'un supplément sur le tarif du réseau. Enfin, comme notre pays a prudemment choisi la voie d'une libéralisation partielle du marché électrique, il reste un secteur soumis au régime de monopole, ce qui facilitera l'amortissement des projets de grande hydroélectricité (essentiellement pompage - turbinage). Même en cas de libéralisation totale, un régime de service public demeurera en place, sous le doux nom de « modèle d'approvisionnement garanti ». Pour vos entreprises, la modernisation de l'électricité est donc un secteur extrêmement intéressant, avec un financement relativement indépendant des soubresauts politiques, dès lors que le mécanisme de rachat à prix coûtant des énergies renouvelables aura été débloqué. Dans ces considérations, le renoncement au nucléaire ne joue pas un grand rôle, car l'essentiel de la valeur ajoutée d'une nouvelle centrale nucléaire aurait été importée. Les études montrent plutôt que l'investissement initial dans un scénario de sortie du nucléaire est supérieur, mais que la rentabilité de ce scénario est également supérieure, notamment en raison des gains d'efficacité[1]. En matière de nucléaire, le marché du futur est ailleurs : le démantèlement des centrales nucléaires au terme de leur exploitation et le stockage des déchets, tous deux très complexes, coûtera 20 Mrd selon Swissnuclear[2]. Cela offrira assurément des emplois dans votre branche en quantité bien supérieure à l’emploi nucléaire actuel. Une récente étude[3] de l’institut de macro-économie CREA (Université de Lausanne) a chiffré l’impact d’un scénario ambitieux de transition énergétique. Cette étude se base sur les prémisse suivante : maintien du niveau de vie, sortie du nucléaire et diminution de plus de 40% de la consommation d’énergie fossile d’ici 2030, de manière à atteindre 50% d’énergie renouvelables (sur l’entier de l’approvisionnement énergétique). Il s’agit d’une photo en 2030, en admettant que l’effort se poursuit au-delà. Cette étude estime à 150'000 le nombre de nouveaux emplois. Elle montre aussi que le gain de pouvoir d’achat dû aux économies d’énergie permet très rapidement d’autofinancer les investissements. Enfin, elle estime qu’une telle politique améliore sensiblement le stock de capital de l’économie suisse. A l’évidence, une bonne partie de ce travail concernera les infrastructures. Les membres d’infra-suisse sauront-il relever le défi ?
Références :
Commander / Bestellen: http://www.roger-nordmann.ch
[1] Infras / TNC, Oettli Bernhard et Nordmann Thomas, Stromeffizienz und Erneuerbare Enerien, wirtschaftliche Alternative zu Grosskraftwerken, 2010, Zürich http://www.infras.ch/downloadpdf.php?filename=1860a_Schlussbericht_def.pdf [2] Swissnuclear, Etude de coût 2011, http://www.bfe.admin.ch/entsorgungsfonds/index.html?lang=de&dossier_id=05278 [3] Dr. Délia Nilles, Institut CREA,Impact de l'initiative "Cleantech" sur les emplois en Suisse, Juillet 2011 (disponible sous http://www.roger-nordmann.ch/articles/2011.09.06_rapport_cleantech_crea.pdf )
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |