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Article magazine Europa www.nomes.ch 10 juillet 2011 Accord bilatéral sur l'électricité: un blocage emblématique Afin 2010, le conseiller national Roger Nordmann (PS-VD) a publié aux éditions Favre le livre "Libérer la Suisse des énergies fossiles -Des projets concrets pour l'habitat, les transports et l'électricité". Le magazine europa.ch lui a demandé son analyse de notre rapport avec l'Europe en matière d'électricité. Le secteur de l'électricité est un domaine où Suisse et UE entretiennent des relations étroites: la Suisse est au coeur du réseau électrique européen. Elle assume la régulation de la fréquence pour la moitié sud de l'Europe. Le transit à travers ses frontières représente une quantité d'énergie équivalente à sa consommation nationale. Lorsque l'électricité est abondante -donc bon marché, la Suisse en importe pour pomper de l'eau dans ses barrages. Elle réexporte ensuite cette énergie aux heures de pointe, ce qui constitue un business lucratif. Comme la Suisse produit la majorité de son électricité pendant le semestre d'été (fonte des neiges), mais consomme davantage en hiver (pour le chauffage), elle dépend très largement du marché européen: pour exporter ses surplus estivaux, mais aussi pour combler son déficit en hiver. Pendant une cinquantaine d'année, ces échanges se sont fort bien déroulés simplement sur la base d'échanges commerciaux et de contacts techniques. Comme le contexte et les modalités d'approvisionnement en électricité changent radicalement, cette ère harmonieuse de coopération informelle ne pourra pas se poursuivre sous sa forme actuelle. Plus précisément, les principales évolutions en cours sont les suivantes:
-Pour absorber la variabilité des sources de production d'énergies renouvelables (vent et soleil), l'Europe renforce progressivement les réseaux de transport: une meilleure interconnexion permet de « pooler» la production et donc de « lisser» les irrégularités locales. -L'intégration du marché européen de l'électricité se renforce et l'augmentation de la part des renouvelables est une obligation consubstantielle au marché. Dans ce nouveau contexte, la Suisse a certes d'excellents atouts, mais elle s'expose aussi à des risques importants. Du côté des gains potentiels, il y a la possibilité de valoriser nos barrages à accumulations pour lisser les irrégularités de la production renouvelable européenne et celle d'investir dans semestre d'été (fonte des neiges), mais consomme davantage en hiver (pour le chauffage), elle dépend très largement du marché européen: pour exporter ses surplus estivaux, mais aussi pour combler son déficit en hiver. Pendant une cinquantaine d'année, ces échanges se sont fort bien déroulés simplement sur la base d'échanges commerciaux et de contacts techniques. Comme le contexte et les modalités d'approvisionnement en électricité changent radicalement, cette ère harmonieuse de coopération informelle ne pourra pas se poursuivre sous sa forme actuelle. Plus précisément, les principales évolutions en cours sont les suivantes: -l'UE s'est donnée des objectifs ambitieux en matière d'énergies renouvelables: leur part doit augmenter de 20% d'ici 2020, et c'est dans le secteur de l'électricité que le renouvelable progressera le plus. Ces développements doivent permettre de réduire les émissions de C02, sachant que la moitié du courant européen est produit dans des centrales à gaz ou à charbon. l'abandon du nucléaire, qui se dessine dans de nombreux pays, va encore les renforcer. Pour absorber la variabilité des sources de production d'énergies renouvelables (vent et soleil), l'Europe renforce progressivement les réseaux de transport: une meilleure interconnexion permet de « pooler )} la production et donc de « lisser» les irrégularités locales. l'intégration du marché européen de l'électricité se renforce et l'augmentation de la part des renouvelables est une obligation consubstantielle au marché. Dans ce nouveau contexte, la Suisse a certes d'excellents atouts, mais elle s'expose aussi à des risques importants. Du côté des gains potentiels, il y a la possibilité de valoriser nos barrages à accumulations pour lisser les irrégularités de la production renouvelable européenne et celle d'investir dans des parcs éoliens en mer, pour ensuite rapatrier cette énergie. Mais les risques sont tout aussi considérables: -La Suisse risque d'être contournée dans la planification des réseaux de transport, ce qui serait dramatique pour la sécurité de l'approvisionnement et pour le pompage turbinage. -En ne respectant pas les exigences européennes en matière de renouvelable, elle pourrait être exclue du marché européen, car son droit d'accès n'est pas garanti dans un accord bilatéral. -Pour l'instant, elle ne participe pas de plein droit aux organes et agences européennes spécialisées qui forgent la politique en la matière. Or ce sont dans ces enceintes que se posent les jalons, par exemple pour la planification du réseau. La nécessité matérielle d'un accord bilatéral sur l'électricité incluant un volet renouvelables est reconnue tant à Berne qu'à Bruxelles. Si les négociations techniques ont bien avancé, le blocage politique est complet en raison de la question institutionnelle. Les Européens souhaitent une reprise automatique de l'évolution du droit et de la jurisprudence de l'Union par la Suisse. Il faut dire que le droit européen mute très rapidement dans ce domaine. Mais pour le Conseil fédéral, une telle reprise automatique n'est pas envisageable au motif qu'elle viderait la souveraineté helvétique de son conte nu. Cette négociation est emblématique de l'impasse bilatérale: le concept même de négociation bilatérale a été mis en place pour préserver la souveraineté. Mais cette voie ne peut désormais être poursuivie qu'en renonçant unilatéralement à cette même souveraineté. Dans ces conditions, l'adhésion pleine et entière apparaît de plus en plus clairement comme la clé de la reconquête d'une influence sur notre destin.
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |