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Discours - 30 juin 2011 Colloque de l’Association des entreprises électriques Suisse AES « Avenir de l’énergie avant et après Fukushima » - 30 Juin 2011 - Grand Casino Kursaal a Berne Les attentes du Parti socialiste envers la branche électrique Roger Nordmann, Conseiller national PS, VD, membre de la commission de l’environnement, de l’aménagement et du territoire et de l’énergie du Conseil national*.
Mesdames et Messieurs, Permettez-moi, en guise de préambule, de rappeler la position du Parti Socialiste (PS) dans le dossier de l’approvisionnement électrique : comme vous le savez, le parti socialiste soutient les grandes lignes de la politique du Conseil fédéral, à savoir une sortie progressive et ordonnée de l’énergie nucléaire et son remplacement, également progressif, par les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Comme le Conseil fédéral, PS soutient l’emploi prioritaire du couplage-chaleur force pour consolider l’approvisionnement hivernal en électricité pendant la transition. Contrairement aux centrales à gaz, cette technologie évite la croissance massive des émissions de CO2 et l’effort de compensation qui en découle. Notre position, opposée au nucléaire de longue date, se fonde sur un constat tout simple: l’énergie nucléaire, sur toute la chaine production, de l’extraction du minerai au stockage des déchets, comporte des risques insupportables pour la santé, l’environnement et l’économie. J’insiste sur ce dernier aspect en l’illustrant par la situation du Japon depuis la catastrophe : ce pays subit d’importantes coupures de courant, parce que sur les 55 réacteurs nucléaires dont il disposait, 36 sont à l’arrêt forcé. Contrairement à ce que des soi-disant experts nous racontaient, la probabilité d’un accident nucléaire grave n’est pas de 1 sur 100'000, mais de 1 sur 100 : en effet, sur les 500 réacteurs en exploitation commerciale qu’a connu le monde, 5 ont fini leur vie par une fusion du cœur. Soit justement une probabilité de 1 sur 100 de finir par une fusion du coeur. Et encore, cette estimation est optimiste : elle suppose que pour les quelques 400 réacteurs encore en fonction, il n’y aura plus d’accident grave, ce qui est tout sauf certain, lorsqu’on voit par exemple l’état du parc français. Du moment que nous disposons du savoir faire pour engranger d’important gains d’efficacité et produire suffisamment d’électricité renouvelable, il nous parait impératif de choisir ce chemin pour renoncer à une technologie nucléaire dont les risques résiduels sont trop graves pour être tolérés. To big to burn, au même titre que certaines banques sont to big to fail. A ce stade du raisonnement, certains d’entre vous seront en désaccord avec moi, ce qui est leur droit le plus strict. C’est là cependant qu’une appréciation réaliste de la situation politique et économique s’impose : Est-il réaliste d’espérer mettre en service une centrale nucléaire au cours des prochaines décennies ? Avant Fukushima, l’issue du référendum sur la construction paraissait incertain (mini oui Bernois, gros non Vaudois). Avec la prise de position claire du Conseil fédéral et du Conseil national, les chances d’aboutir sont infinitésimales. En admettant qu’un nouveau projet déposé aurait 40% de chance de passer devant le Conseil fédéral, 40% devant le Parlement et 40% devant le peuple, la probabilité globale de franchir les trois principaux obstacles politiques n’est que de 6,4%. Avec des chances de succès aussi faibles, quelle entreprise risquerait d’investir 100 millions pour faire murir un projet de centrale nucléaire jusqu’à l’épreuve référendaire ? Certainement pas des investisseurs privés, définitivement échaudés par les déboires de TEPCO, mais aussi par les performances mitigés des autres entreprises nucléaires come AREVA. Et certainement pas une entreprise publique bien gérée, comme le sont, je l’espère, les entreprises du secteur électrique suisse. Elles le feront d’autant moins que les coûts des nouvelles centrales nucléaires sont en train de prendre l’ascenseur, contrairement aux énergies renouvelables. S’obstiner sur la voie du nucléaire, c’est en réalité menacer la sécurité de l’approvisionnement. Dans cette situation, je vous demandes quelle seront les entreprises électriques qui auront du succès ? · Celles dont les CEO grassement payés pleurnicheront dans la presse dominicale sur l’abandon du nucléaire et qui financeront des armées de lobbyistes et de conseillers en communication pour tenter en vain renverser une décision irréversible ? · Ou celles qui investiront dans les énergies renouvelables, le couplage chaleur force et qui aideront leur clientèle à utiliser plus efficacement cette précieuse énergie qu’est l’électricité ? Poser la question, c’est y répondre. Et dans les faits, de nombreuses entreprises électriques régionales et locales se la sont posée il y a un certain temps déjà, puis ont décider de miser sur l’efficacité et le renouvelable, et cela avant même Fukushima. Le PS s’était battu en 2002 contre la libéralisation brutale du marché de l’électricité. En 2007, il a obtenu que la libéralisation ne soit que partielle et contrôlée, et qu’elle garantisse de pouvoir investir, y compris dans le renouvelable, avec l’introduction de la RPC. Si nous avons défendu avec succès ces positions, c’est parce que nous estimons que les infrastructures électriques ont un caractère stratégique pour le pays et constituent un des piliers du service public. Pour cette raison, nous nous opposons, pour l’instant avec succès, contre toute forme de privatisation, parce qu’elle déboucherait sur une logique de profit à court terme au détriment de l’entretien, de l’investissement et des conditions de travail. En contrepartie du statut de service public, nous attendons des entreprises électriques une attitude constructive face à la nouvelle politique énergétique. A cette égard, j’aimerai souligner six champs d’action prioritaire pour vous : 1. Investir dans la production de toutes les énergies renouvelables, directement et via la RPC. Ils s’agit de faire avec le vent, le soleil, la biomasse et le sous-sol ce que vos prédécesseurs ont osé faire avec la force hydraulique. A savoir investir pour récolter des énergies primaire qui arrivent gratuitement en Suisse. 2. Investir dans les grandes installations de couplage chaleur-force, très importantes pour renforcer la sécurité d’approvisionnement hivernale. 3. Conseiller et soutenir les clients finaux pour baisser leur consommation électrique (pilotage et modernisation des appareils) 4. Moderniser vos équipements propre, tels que les transformateurs, pour réduire les pertes. 5. Achever les investissements dans le pompage-turbinage 6. Soutenir les propriétaires de chauffages électriques pour passer à d’autres solutions, afin de réduire la pointe hivernale. Les entreprises électriques avait poussé au chauffage électrique. Il est donc de leur responsabilité d’aider les propriétaires à s’en dépêtrer. J’aimerai aussi souligner que nombre de ces pistes offrent aussi des nouveaux modèles d’affaires, à travers les différentes formes de contracting énergétiques. Au plan politique, j’attends des instances comme l’AES qu’elles soutiennent la transition, par exemple le déplafonnement de la RPC, au lieu forger des plans secrets foireux pour bloquer la sortie du nucléaire, au détriment des renouvelable et de l’efficacité, et donc au détriment de la sécurité d’approvisionnement. En un mot, et ce sera ma conclusion, les entreprises électriques doivent apporter des solutions, et non pas aggraver le problème. Vous en avez la capacité et la compétence.
* La feuille de route du PS pour la sortie du nucléaire peut être téléchargée sous : http://www.sp-ps.ch/fre/Medias/Conferences-de-presse/2011/Conference-de-presse-Notre-feuille-de-route-pour-sortir-du-nucleaire
Livres de Roger Nordmann en français et en allemand: · Libérer la Suisse des énergies fossiles - Des projets concrets pour l’habitat, les transports et l’électricité, Editions Favre, octobre 2010 · Atom- und erdölfrei in die Zukunft -Konkrete Projekte für die energiepolitische Wende, Orell Füssli Verlag, mai 2011 Commander / Bestellen: www.roger-nordmann.ch
30 juin 2011
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |