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Article - 30 juin 2011 Un développement économique au bénéfice de tous Entre développement agressif et décroissance sans issue, il existe une voie médiane: une redistribution des richesses plus équitable Depuis l’entrée en vigueur des bilatérales, la croissance économique en Suisse est très forte en comparaison internationale. Néanmoins, de larges cercles de population ont le sentiment de ne pas en profiter. Ils subissent une forte pression sur le marché du logement et sur le niveau des salaires. Au lieu de progresser, le pouvoir d’achat stagne ou régresse, contrairement à ce qu’on a pu observer par le passé en phase de forte croissance. Faut-il pour autant prôner la décroissance? Les expériences de crises économiques durables (Espagne, Grèce, Etats-Unis, Irlande, Russie post-soviétique) montrent que les conséquences sont catastrophiques pour la population. La question croissance versus décroissance est donc un faux débat. L’enjeu central est ailleurs: il faut s’assurer que le développement économique soit durable et que la répartition de ses fruits soit équitable. Dans cette perspective, une partie de la croissance helvétique est artificielle. La Suisse attire chez elles des entreprises étrangères existantes, en particulier leur siège social, avec un effet global très discutable – Au lieu d’employer du personnel local, ces entreprises «importent» la quasi-totalité de leurs collaborateurs, généralement très qualifiés. Cela accentue la pression sur le marché du logement. – Ces entreprises viennent d’abord pour payer moins d’impôts. Comme le montre l’exemple de l’Irlande, cette croissance artificielle basée sur le dumping fiscal est précaire et peut s’évaporer brutalement. Vu les rabais fiscaux accordés à tous les échelons, elle ne rapporte pas beaucoup aux caisses publiques. Enfin, ces sièges ou headquarters qui s’agglutinent chez nous manquent ailleurs. – Cette concentration d’activités financières contribue à la surévaluation du franc, qui menace la place industrielle Plutôt que de chercher la croissance à tout prix au moyen du braconnage fiscal, la Suisse pourrait orienter son développement économique dans un sens plus durable, afin que la classe moyenne et les milieux modestes en profitent. La politique dispose d’instruments pour influencer le cours des choses, et il s’agit de s’en servir! Pour y parvenir, les axes sont les suivants: 1. Augmenter la part des salaires dans l’économie: il faut utiliser tous les leviers possibles pour augmenter la part de richesse distribuée sous forme de salaires (ordinaires), au détriment des dividendes et des gains en capitaux. Les fruits de l’activité économique s’en trouveront mieux répartis. L’initiative populaire du PS et des syndicats pour des salaires minimaux s’inscrit dans cette perspective. En outre, l’augmentation de la part des salaires renforce le financement des assurances sociales 2. Investir dans la formation: plutôt que de choisir la voie de la facilité en recrutant à l’étranger des personnes déjà formées (une autre forme de braconnage!), la Suisse pourrait mieux valoriser la capacité de travail de ses résidents, en mettant le paquet sur la formation à tous les échelons, du rattrapage des compétences de base à la formation universitaire. En outre, il faut combler notre retard en matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, pour une meilleure implication des femmes dans l’économie. A long terme, une telle politique permettra de mieux faire face au manque de personnel qualifié et au vieillissement démographique 3. Favoriser l’efficacité environnementale. Une croissance qui consisterait simplement à utiliser davantage de m2, d’énergie et de ressources naturelles se heurtera rapidement aux limites physiques de la planète. Désormais, le développement économique doit amener une réduction rapide de notre consommation de ressources naturelles. Une politique ambitieuse passe par le renforcement des régulations environnementales (par exemple les standards d’efficacité) et la stimulation des investissements publics et privés. Le besoin de modernisation des infrastructures de transports, d’énergie et d’habitat est énorme. 4. Chercher un meilleur équilibre entre les régions du pays: certaines zones à forte activité économique manquent de logements alors que l’on pourrait attirer des entreprises dans les zones moins dynamiques, mais fortement habitées. Pour atteindre un meilleur équilibre, il faudrait davantage de coopération entre les cantons et moins de concurrence fiscale. Autrement dit considérer le pays comme un tout plutôt que comme l’addition d’entités cantonales et communales en concurrence entre elles La Suisse a tout à gagner à recentrer la croissance et le développement économique vers les besoins de la population et la sauvegarde des ressources naturelles. La fuite en avant grâce à la croissance artificielle n’est pas une solution durable. Elle ne permet plus d’assurer un bien-être partagé. Une répartition plus juste des fruits de l’économie permet aussi d’envisager une diminution du temps de travail, gage de qualité de vie. 30 juin 2011
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |