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Roger Nordmann

Conseiller national

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Article - Le Temps,  9.3.2010

La CEP, un outil indispensable pour une enquête hors normes

Une partie des dommages induits par la crise financière et l’affaire UBS relèvent du droit civil. Dans un certain nombre de cas, il y a également des responsabilités pénales, en Suisse comme à l’étranger. Les tribunaux ne sont donc pas près d’être au chômage.

Mais les événements auxquels nous avons assisté relèvent aussi du droit administratif et de la politique: les autorités de surveillance ont-elles exercé correctement leurs devoirs? La politique a-t-elle régulé de manière adéquate la place financière? Le Conseil fédéral a-t-il jaugé de manière correcte la situation de nos principaux partenaires économiques? Pour sauver UBS, était-il judicieux d’utiliser le droit d’urgence et de vider le secret bancaire de sa substance sans une décision politique explicite? La Suisse s’est-elle donné les moyens d’anticiper les problèmes?

Dans le débat sur l’instauration d’une commission d’enquête parlementaire (CEP), il s’agit de trancher deux questions préalables. Premièrement, vaut-il la peine d’essayer de comprendre et de décortiquer ce qui s’est passé? Et, deuxièmement, quel est l’instrument adéquat pour y parvenir?

Pour forger l’avenir, il faut connaître le passé. Si nos institutions politiques et judiciaires doivent à l’avenir éviter la reproduction de tels événements, il est essentiel d’en comprendre mieux les tenants et les aboutissants. Cette recherche de vérité peut ponctuellement aboutir à mettre en évidence des responsabilités personnelles et institutionnelles. Mais il ne s’agit pas là du principal objectif de la recherche de vérité: cette enquête doit permettre à la Suisse, à sa population, à son économie et à ses institutions de progresser et de mieux faire face aux défis futurs. En chinois, les crises sont aussi des opportunités. Mais, pour les saisir, encore faut-il se donner les moyens d’ouvrir les yeux et de réfléchir collectivement aux leçons à en tirer. En revanche, la stratégie de l’autruche, déjà passablement appliquée, a toutes les chances d’être néfaste. Il faut donc essayer de décortiquer ce qui s’est passé.

Reste la question de l’instrument adéquat pour y parvenir. Une CEP sera plus efficace que la commission de gestion (CdG), pour trois raisons:

  • L’objet de l’enquête est situé à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des institutions fédérales. Il faut donc les moyens d’enquête étendus, et en particulier la possibilité de faire témoigner des personnes extérieures à l’administration et aux organes fédéraux. C’est une compétence centrale dont ne dispose pas la CdG.

  • Le champ de l’enquête est nécessairement très vaste et dépasse complètement la capacité de travail de la CdG. Une CEP est dotée d’un secrétariat ad hoc et engage des enquêteurs professionnels. Sur le plan pratique, c’est un avantage décisif.

  • Déclenchée par une décision des plénums des deux Conseils, la CEP dispose d’une légitimité accrue, qui lui donne plus de force.

La CdG serait dépassée par l’ampleur de la tâche parce qu’elle ne dispose pas des fondements juridiques et logistiques nécessaires. C’est justement pour cette raison que la loi sur le parlement prévoit que «l’Assemblée fédérale peut, en cas d’événements d’une grande portée sur lesquels il est indispensable de faire la lumière, instituer une commission d’enquête parlementaire (CEP)…» (art. 163).

Après la chute du mur de Berlin, deux CEP successives avaient découvert l’existence d’un fichage systématique des citoyennes et citoyens, puis celle des armées secrètes. Avec le recul, l’instauration de ces CEP s’est révélée judicieuse et la Suisse avait pu tirer les leçons institutionnelles nécessaires.

Avant d’avoir mené l’enquête, il est évidemment impossible de savoir ce qui en ressortira. Mais sans se donner les moyens de la mener, il est certain qu’il n’en ressortira pas grand-chose. Or il y a de bonnes raisons de penser que le résultat serait très intéressant et utile. Face à la gravité des événements, il est justifié d’utiliser l’outil adéquat. Car on n’enfonce pas des clous avec un tournevis!

 

 

Le Temps,  9.3.2010

  

 

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1.04.2017