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Roger Nordmann

Conseiller national

Parti socialiste vaudois / lausannois

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15.5.09 - Congrès pour les 25 ans de la Fédération suisse des Famille monoparentales

De quels parents l’enfant a-t-il besoin?

Intervention de Roger Nordmann, Conseiller national PS/VD

Lorsque j'ai dit à mon épouse que je devrais faire une conférence sur le thème « de quels parents l’enfant a-t-il besoin? », elle a d’abord bien rigolé. Ensuite, elle m'a fait observer que l'on devrait plutôt demander  à quelqu'un de compétent, par exemple à un psychologue, pour répondre à cette question. Manifestement, elle a une vision assez claire de mon incompétence...

Pour sa part, Mme Hausherr, organisatrice de ce congrès, m’a indiqué qu'elle m'avait pressenti parce que, dans une intervention au Conseil national au sujet de l'autorité parentale partagée, j'avais fait part de mon expérience comme enfant de parents divorcés. Et parce que j'ai moi-même des enfants en bas âge (trois ans et demi et cinq ans), dont je m’occupe beaucoup.

L'observation de mon épouse et les indications fournies par Mme  Hausherr posent assez clairement le cadre de mon intervention : celle d’une vision personnelle et politique clairement assumée, sans prétention d’objectivité scientifique.

Par contre, il est hors de question de faire un catalogue des critères sur ce que seraient des parents parfaits. Comme politicien, je ne suis pas qualifié pour un tel exercice, qui, venant de ma part, pourrait être ressenti comme moralisant et humiliant. Au demeurant, je doute d’ailleurs que l’établissement d’un tel catalogue soit possible, même de la part d’un professionnel, parce que tous les enfants n’ont pas exactement les mêmes besoins. Il serait donc impossible de dessiner autre chose qu'une espèce de portrait-robot des besoins d'un enfant par rapport à ses parents, ceci d'autant plus que les familles sont extrêmement diversifiées.  Enfin, je doute l'utilité d'un tel catalogue prescriptif de perfection parentale.

*****

Pour examiner la question des besoins de l’enfant par rapport à ses parents, je vais donc retourner la question en me demandant de quel appuis les parents ont besoin pour bien s’occuper de leurs enfant.

Poser cette question, c’est admettre explicitement que les parents ne peuvent à eux seul satisfaire tous les besoins de leurs enfants.  Cela pose donc la question fondamentale de la solidarité de la société dans son ensemble par rapport aux parents. Le cadre familial et la vie extra-familiale ont des apports complémentaires, et qui sont d'ailleurs des substituts dans une certaine mesure : pour vous donner un exemple concret, le fait de disposer de frères et sœurs proches en âge permet d'apprendre des interactions fondamentales. Mais un enfant unique  peut tout à fait apprendre ces interactions dans un autre cadre, par exemple à l'école ou avec des amis. Autre anecdote plus personnelle : quelle ne fut pas notre surprise lorsque un jour récent, nos enfants se sont mis à demander s'ils pouvaient sortir de table après avoir fini leur repas ! Ils l’avait appris à la garderie, alors que nous en étions encore à ferrailler pour leur inculquer des éléments bien plus basiques, comme ne pas manger avec les doigts. Ce jour-là, nous nous sommes vraiment réjouis de ne pas être seuls à élever nos enfants.

 

D'ailleurs, si j’ai une seule certitude en matière d'éducation, c'est qu'on ne peut pas élever des enfants en autarcie, sans chercher un appui à l'extérieur. En effet, le noyau familial moderne, limité à un ou deux parents et aux enfants, peut vite devenir un vase clos malsain. Je regarde avec plus de suspicion que d'envie la famille prétendument parfaite qui fonctionnerait en vase clos. Et j’ai franchement la chair de poule en pensant que dans ce pays, des centaines d’enfants suivent un enseignement particulier dispensé par leurs propres parents à la maison.

Je ne vous cache pas que j’ai aussi retourné la question parce qu’ainsi reformulée, il est possible de poser le débat sur un plan politique : qu'attend-on de la société en général et des collectivités publiques pour soutenir les parents ?

Je vous propose donc un mini tour d'horizon cette logique de complémentarité, dans trois domaines fondamentaux : l'école, les questions économiques et la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

1) Le champs scolaire

En matière de formation des enfants et des jeunes, la responsabilité fondamentale relève de l'État. Et on peut dire en Suisse, que l'État assume assez bien cette fonction de base.

Par contre, à la périphérie du champ scolaire, la situation est encore loin d'être optimale.

Pour tirer le meilleur parti de l'école, un enfant a évidemment besoin d'être appuyé à la maison dans son éveil, pour sa structuration, pour faire ses devoirs et bien d'autres choses encore. Or la capacité et la possibilité pratique des parents d'appuyer leurs enfants est extrêmement variable. Si l'on veut assurer un minimum d'égalité des chances entre les enfants, il est indispensable de mettre en place un dispositif parascolaire, par exemple de devoirs surveillés, de bibliothèques, d'activités culturelles et sportives etc.

Pour le dire en une phrase : il faut un vrai dispositif de compensation des inégalités des chances. Dire cela, ce n'est pas jeter la pierre aux parents, mais au contraire les aider là où ils arrivent leurs limites.

2) Les questions économiques

Elever des enfants coûtent cher, et sans surprise, les statisticiens nous expliquent le fait d’élever seuls les enfants ou d'avoir plus de deux enfants dans le ménage constituent deux des principaux risques de pauvreté.  L'insuffisance des revenus du ménage a des conséquences négatives directes et indirectes sur les enfants. Les inconvénients directs sont évidents : si l'on vit au seuil de pauvreté ou en dessous de celui-ci, on ne peut pas offrir à ses enfants le cadre de vie dont ils ont besoin. Les privations qui en découlent sont nombreuses : logement trop petit, nourriture insuffisante ou de mauvaise qualité, pas de vacances, discriminations dans la vie culturelle sociale (comment expliquer à son enfant de six ans que d’aller au cirque Knie, c’est trop cher ? ).

Plus tard, les choix de formation des enfants dépendent fondamentalement du revenu du ménage, en l'absence d'un système de bourses d'études dignes de ce nom dans notre pays. À cet égard, la situation est vraiment honteuse, et je pèse mes mots.

 

Mais les conséquences indirectes de l'insuffisance des revenus du ménage et ou des difficultés  socioprofessionnelles des parents sont tout aussi graves: le stress existentiel que l'on subit à chaque fin de mois, l'impossibilité de se relaxer et l'isolement qui en découle souvent pèsent sur l'ambiance familiale, d'une manière qui n'est finalement pas très différente de celle d'un conflit conjugal. D’ailleurs, la question conjguale est aussi un des domaines dans lesquels les parents ont souvent beaucoup à gagner à chercher les conseils d’un professionnel.

Malheureusement,  les dispositifs actuels de soutien à la famille pour les problèmes économiques sont insuffisants et inadéquats à plusieurs égards. Trois exemples parmi ceux qui alimenteront assurément les discussions de votre congrès :

1)     une famille dont le revenu est insuffisant devrait pouvoir avoir accès à un complément de revenu sans forcément passer par l'aide sociale, avec tout ce que cela comporte de bureaucratique et de stigmatisant. Des prestations complémentaires pour les familles sont nécessaires.

2)     Pour des adultes sans formation professionnelle qui ont charge de famille, il est très difficile de reconquérir une vraie autonomie économique, car cela suppose généralement de suivre une formation professionnelle. Or concilier une activité lucrative, une formation et les obligations familiales relève de la quadrature du cercle. Il faudrait donc souvent un appui plus spécifique, qui manque encore aujourd'hui.

3)     La problématique du logement ne doit pas être oubliée : de trop nombreuses familles mono ou bi-parentale sont confrontées à un loyer trop cher pour appartement trop petit.

3) La conciliation de la vie familiale et professionnelle

Lorsqu'on analyse les situations dans le détail, on s'aperçoit que le déterminant sous-jacent des problèmes socio-économiques est souvent un problème de conciliation entre vie familiale et la vie professionnelle. En effet, sauf avoir une excellente situation professionnelle, il est très difficile de faire vivre une famille avec un seul salaire. Il faut donc souvent deux activités économiques, ce qui pose évidemment toute la question de la garde des enfants : qui va mener les enfants l'école, généralement selon des horaires qui varient entre le cadet et l'aîné, ou est-ce que les deux mangent à midi, qui va les chercher à 15 h 40 à la sortie de l'école enfantine ?

L'équation est loin d'être simple, car les enfants ont aussi besoin d'une forte présence des parents. La fonction de parents se partage, mais ne peut pas se déléguer entièrement. Comme enfant, on ne peut pas vivre ses parents par procuration, aux travers des éducateurs et des baby-sitter (Au même titre que comme adultes non plus, on ne peut pas  se satisfaire de contacts par écran interposé à travers Skipe ou Facebook, même si certains ont tendance à l'oublier). Il faut du temps pour l'échange et le contact, tant intellectuel qu’affectif, en particulier parce que le rythme d'un enfant n'est pas celui d'un adulte.

Avec ces considérations, l'équation est posée : à mon sens, pour les parents de jeunes enfants,  des taux d’activité entre 60% et 80% constituent l’optimum pour les deux parents .

Dans la pratique, pour y parvenir, il faut un certain nombre de conditions soit remplies :

  • Il faut un bon dispositif d'accueil, d'abord sous la forme de crèches et garderies,  puis de structures d'accueil avant et après l'école.

  • Cela suppose bien entendu que les employeurs offrent, pour les hommes également, des postes à temps partiel.

  • Et qu’il y ait un vrai congé paternité digne de ce nom, qui permettent aux pères de prendre les bonnes habitudes dès le début de la vie familiale. Car, en paraphrasant un célèbre psychologue américain qui s’exprimait sur le développement des jeunes enfants, on pourrait dire, au sujet des jeunes pères, que tout se joue avant six mois.

  • Il faut que niveau des salaires les plus bas soit suffisant pour permettre aux familles de vivre décemment avec un taux d’occupation cumulé de l’ordre de 150%. Ou alors de disposer de prestations complémentaires pour les familles. 

  • Et que la société, à commencer par les voisins, des grands-parents et les ex-conjoints, fassent preuve d'un minimum de solidarité et de coopération. Le meilleur des systèmes n'étant jamais parfait, il y aura toujours besoin de solidarité spontanée lorsque le cadet est grippé ou que les maîtres d'école de l'aîné sont en cours de formation.

Dans ces trois domaines que sont école, la situation économique et la conciliation entre vie familiale et professionnelle, il faut une forte solidarité envers le noyau familial qui élève des enfants. Et je ne vous surprendrai pas en disant que lorsqu'on est seul à s'occuper des enfants, on a un peu plus besoin de soutien externe que lorsqu'on est deux parents à partager cette charge.

La famille au sens large, à commencer par les grands-parents, ont un rôle à jouer. Mais dans notre société atomisée, il est évident qu'une partie du soutien doit être organisée et financée par l'ensemble de la société, sans quoi il devient franchement impossible d'élever des enfants. A cet égard, je crois aussi que l’on doit souligner que les enfants sont aussi grand apport au reste de la société, ne serait-ce que pour le financement futur de l’AVS, pour choisir un exemple proche du porte-monnaie, lequel est souvent la mesure de toute chose en Suisse.

Pour conclure, sur ces trois domaines, j’aimerai revenir à l’exemple du cirque Knie : l’automne passé, parce qu’à Lausanne, le cirque passe en automne, je suis allé avec mes enfants voir la représentation du mercredi après-midi, jour de congé. Il y avait beaucoup d’enfants, une partie avec un parent, et l’autre avec les structures de gardes qui s’occupent des enfants le mercredi après midi. Outre le fait qu’elle m’a beaucoup réjouis, cette anecdote montre combien les problèmes et les solutions sont imbriqués. Je vous avais parlé du cirque Knie dans le passage sur les problèmes économiques. Mais le la visite du cirque est une activité culturelle formatrice complémentaire à l’école, et on peut y accéder par les structure de prise en charge des enfants hors du temps scolaire, structures qui ont été mises sur pied pour  faciliter la conciliation de la vie professionnelle et familiale.

*******

Pour finir, je voudrais lever un malentendu et poser un regard très personnel sur la mission assez héroïque de parents, ou disons de parents de jeunes enfants car je n'ai pas encore été confronté à des préados ou à des adolescents. En commençant par le malentendu.

Le but des dispositifs d'accueil préscolaire et parascolaire (en français les garderies, les crèches, le repas de midi à l'école et les différentes formes de devoirs surveillés)  ne consiste pas à ce que les deux parents puissent travailler à 100% et délèguent complètement la garde des enfants.  Ce soutien contribue simplement à éviter de tomber automatiquement dans une répartition du travail professionnel de type 120% pour l’un et 0% pour l’autre. Or c’est ce qui arrive assez mécaniquement lorsqu’il est impossible de trouver une place en crèche, lorsque les trois enfants commencent l’école à des horaires différents ou lorsque ils ne peuvent pas manger à l’école à midi. Et lorsque le système fiscal est tellement mal conçu qu'il est souvent plus rentable de ne pas travailler pour le deuxième membre d'un ménage des tranches de revenus entre fr.  40'000.- et 80'000.- par an.

Cette approche paritaire, où les deux parents s'occupent des enfants et les deux parents ont une activité économique à l'extérieur présente aussi d'autres avantages, et c'est là que j’en viens à mes considérations plus personnelles :

Assurer une présence parentale de qualité n'est pas facile, car être parent est un job harassant qui viole toutes les règles de protection des travailleurs : quelle autre activité dure 14 heures par jour, sept jours sur sept, 365 jours par an ?

Pour supporter une telle charge, un engagement des deux parents est indispensable, mais il ne suffit d'ailleurs pas : il faut que les parents disposent un espace pour respirer et pour s'épanouir indépendamment de leurs enfants. C'est d'ailleurs l'un des est l'un des intérêts de l'exercice d'une activité professionnelle à l'extérieur du foyer. Au passage, j'observe qu'il faut aussi que les parents puissent garder, individuellement ou ensemble, leur jardin secret. À défaut, ils s'épuiseront. On voit l’importance primordiale de disposer un appui familial et extra-familial pour la prise en charge des enfants.  

 

Mais la présence des deux parents ne répond pas seulement à une exigence logistique et énergétique de partage de la charge. Cette présence est absolument souhaitable pour le développement de l'enfant : pour se construire, l'enfant a tout à gagner à un contact étroit et paritaire avec ses deux parents, ne serait-ce que pour structurer leur emploi du temps et assimiler les règles de la vie en société et trouver son équilibre affectif.

La nécessité de la présence des deux parents, pour autant qu'ils soient évidemment en vie, ne s’arrête d'ailleurs pas après la dissolution du mariage ou de la vie commune. On peut divorcer d'un adulte que l'on n’aime plus, mais on ne peut pas se divorcer de ses enfants. Rater son mariage, cela  arrive dans les meilleures familles. Mais cela ne signifie pas encore que l’on soit obligé de rater son divorce, notamment en s'enferrant dans les conflits qui rendent difficile la participation des deux parents à la vie des enfants. Cette question est franchement très centrale, mais c'est un domaine dans lequel il n'est pas facile de trouver une aide adéquate. Personnellement, je crois plus en solution fondée sur la médiation qu'à la coopération imposée par le Code civil. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis assez dubitatif sur l’idée que l'on puisse imposer une autorité parentale conjointe à des parents qui ne sont même pas capables de s'entendre pour partager intelligemment leur présence auprès des enfants. D'un autre côté, je reconnais qu'un petit coup de pouce du juge peut parfois faire avancer les choses et les perceptions. Nous allons prochainement débattre de ces questions aux Chambres fédérales, nous aurons assurément l'occasion d'en reparler. Au risque de répéter ce que j'avais déjà dit à la tribune du conseil national, le pire pour des enfants de parents divorcés, c’est lorsque le conflit entre les parents ne cesse de se réallummer. Il faudra veiller à ce que le législateur ne fabrique pas de bombes incendiaires à répetition.

En guise de conclusion au terme de cette intervention, je synthétisai en disant que, pour être de bons parents, le plus important, c'est peut-être de se faire aider. Cela suppose que l'on soit d'accord  de demander de l'aide. Et surtout que l’on trouve cette aide.

C’est précisément sur ce point de la disponibilité de l’aide que j'identifie la revendication fondamentale de la Fédération suisse des familles monoparentales. Si la question de l'appui extérieur est évidemment encore plus cruciale lorsqu'on est seul à s'occuper des enfants, elle se pose aussi avec beaucoup d'acuité pour les familles bi-parentales. Le travail accompli par la Fédération suisse des familles monoparentales bénéficie donc à l'ensemble des familles, et donc à l’ensemble des enfants. Je vous en remercie de tout coeur.

 

 

 

 

 15.5.09

 

 

  

 

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1.04.2017