Gauche ou droite: Gouverner une ville, c'est
être actif.
Blog rédigé pour
http://urbanites.rsr.ch/en réponse à la
question: "Le développement urbain est-il de droite ou de gauche?"
Peut-être est-ce une
mauvaise habitude de politicien, toujours est-il que j’ai envie pour
commencer de reformuler la question. En effet, que l’on soit un
édile de gauche ou de droite, on prend des décisions influençant le
développement urbain. À la limite, même une non-décision qui aboutit
à un développement totalement anarchique de type bidonville relève
d’un choix, à moins que l’absence de cadre juridique empêche tout
pilotage, comme c’est le cas dans certains pays du tiers-monde.
La question devient alors : «
est-ce la gauche ou la droite qui offre le meilleur développement
urbain ? ».
Et là, ma réponse très claire,
mais sans surprise pour l’internaute : la gauche est bien meilleure,
pour des raisons qui tiennent quasiment à son patrimoine génétique :
la ville est un lieu où l’on
vit en communauté de manière très intensive et relativement
étroite : le citadin est en interaction permanente avec de très
nombreux inconnus. Et les rapports entre les gens ne peuvent se
régler à la manière du far-west. En ville, l’imbrication des
activités privées ou publiques, économique ou de loisir, est
extrême. Dans une telle situation, beaucoup d’aspects de la vie
en communauté doivent être réglés ou gérés. Et souvent, il faut
une action collective pour amener des solutions : dans
l’histoire, cela commence très tôt, par exemple par
l’installation d’égouts. Ou, à l’autre bout du spectre, par la
mise en place d’une politique culturelle qui donne du sens à la
ville. Gouverner une ville, cela veut donc dire être très actif.
Et cela, c’est plutôt dans les gènes de la gauche que de la
droite, facilement encline au laisser-faire et au repli sur la
sphère individuelle.
La gauche est moins obsédée
par le dogme absolu de la propriété privée. Cela lui permet une
politique d’aménagement urbain plus ambitieuse. Lorsque c’est
nécessaire pour le logement ou l’urbanisme, elle est disposée à
ce que la ville possède une partie du parc immobilier. Cela
permet à la ville d’intervenir comme investisseur. En outre, la
gauche n’hésite pas à imposer des contraintes de planifications
aux privées, dans l’intérêt d’un développement urbain
harmonieux.
Pour différentes raisons, la
ville est aussi un lieu où de très fortes inégalités peuvent se
creuser : historiquement, les villes ont été le berceau du
capitalisme et du salariat. Actuellement, elles attirent
facilement des populations en difficulté, qui ont besoin des
services qu’elles offrent. Si l’on veut éviter la ghettoïsation,
les inégalités excessives voir la violence, il faut en milieu
urbain une politique particulièrement ambitieuse de prévention
et de compensation des inégalités sociales. Sans quoi la ville
devient invivable. Ici aussi, la gauche a un avantage décisif
parce qu’elle fait de la lutte contre les inégalités la pièce
maîtresse de son programme.
Si la gauche bénéficie en
quelque sorte de meilleures prédispositions génétiques pour diriger
les villes, cela ne signifie pas encore que dans les faits, elle le
fasse bien ou l’ai toujours bien fait : avec le recul, on est bien
obligé de constater que des municipalités de gauche ont parfois
commis de grosses erreurs urbanistiques ou esthétiques. Ces erreurs
sont d’ailleurs souvent le reflet du consensus d’une autre époque et
de l’évolution des mentalités.
À l’heure actuelle, ce n’est
toutefois pas un hasard si de nombreuses grandes et petites villes
sont en mains de la gauche :
les roses rouges verts ont
un programme beaucoup plus moderne et contemporain en matière de
cadre de vie : moins de voitures, plus de transports publics,
plus d’espaces verts, plus espaces de convivialité. Cela
correspond aux aspirations de la population.
En matière de politiques
sociale et culturelle ainsi que de politiques de formation et
d’intégration, les roses rouges verts appliquent un programme
plus ambitieux et plus volontariste. Celui-ci correspond mieux
aux besoins de la communauté urbaine, ce qui se traduit dans les
urnes. Il faut dire que la droite, largement infesté par
l’idéologie néolibérale du « moins d’État », s’est largement
disqualifiée au niveau urbain : en voulant réduire les impôts,
et donc les ressources disponibles pour l’action collective, la
droite n’est pas crédible lorsqu’elle prétend malgré tout mener
une politique urbaine ambitieuse. Et cela, citoyennes et
citoyens des villes le sentent bien. Même dans des domaines
censés être plutôt des fiefs de la droite, comme la sécurité
publique ou la promotion économique, la gauche est plutôt
meilleure, car elle essaie de se donner les moyens financiers de
son ambition.
Donc, oui, la gauche est
meilleure pour gérer les villes. Et pas seulement les villes, mais
c’est un autre sujet.