|
Article Le Temps 14.09.2007 Comment
préparer et réussir l’après Christoph Blocher
Au
fil des mois, il apparaît de plus en plus clairement que Christophe
Blocher n’est plus digne de siéger au Conseil fédéral. Ses
violations de la Constitution et du principe de collégialité, ses
atteintes à la séparation des pouvoirs, son mépris du Parlement et
ses mensonges ne sont plus acceptables. Son bilan, ses méthodes et les
risques qu’elles font courir au modèle suisse sont désormais établis,
notamment dans les travaux des commissions de gestion et dans le
dernier livre de François Cherix*. Le Parlement doit maintenant
prendre une sanction politique claire pour rétablir l’honneur de
notre démocratie. A
ce stade, il faut rappeler que le Conseil fédéral n’est pas une
commission parlementaire, où les partis seraient représentés
proportionnellement au nombre de leurs élus et dans laquelle chacun
choisirait ses représentants. Au contraire, il appartient à la
majorité du Parlement, fort de sa légitimité démocratique, de déterminer
par un choix politique quelles couleurs peuvent entrer dans la
composition du gouvernement et quelles personnes sont aptes à
travailler dans un système collégial. Libérer
le pays de Christoph Blocher nécessite cependant une préparation. Le
12 décembre 2007, les parlementaires n’auront pas à répondre
par oui ou par non à un quizz télévisé sur le thème « souhaitez-vous
le maintien de Christoph Blocher au Conseil fédéral ? ».
Au moment de l’élection, ils devront inscrire un nom sur un bulletin
de vote : celui du chef de Justice et Police ou un autre. Partant
de là, la seule manière d’empêcher Christoph Blocher de prolonger
son bail gouvernemental consiste à se mettre d’accord sur le nom de
cette autre personne. Si
un accord politique n’émerge pas avant l’élection, le Parlement
risque de réélire le populiste alors même qu’une majorité n’en
veut pas. Dans le détail, ce scénario de la confusion est le suivant :
lors des deux premiers tours de scrutin, Christoph Blocher n’atteint
pas la majorité absolue et divers représentants d’autres partis
font de bons scores. Au fil des tours, les challengers sont
progressivement éliminés, laissant Christoph Blocher face au meilleur
des rescapés, dans un dernier tour décisif. Le chef de l’UDC
pourrait alors l’emporter grâce aux votes blanc de parlementaires ne
soutenant aucun des deux candidats, ces abstentions abaissant la
majorité absolue, phénomène observé le 10 décembre 2003.
Pour
éviter une telle confusion, les partis républicains doivent
s’organiser une fois les élections fédérales passées. Ils sont légitimés
à le faire, car personne n’a un droit – divin ou populiste –
à être représenté au Conseil fédéral. La démocratie,
c’est aussi écarter de la table du pouvoir exécutif les partis et
les leaders qui ne respectent pas ses règles ni ses usages. Pour
le PS, cela signifie admettre qu’entre l’adversaire politique
traditionnel – les radicaux – et le délinquant institutionnel –
l’UDC pilotée par Christoph Blocher –, il existe une énorme différence
qualitative ; et qu’à cette aune, les radicaux de Pascal
Couchepin ont encore droit à deux sièges au Conseil fédéral. En
outre, prétendre affaiblir le PRD et simultanément écarter Christoph
Blocher relève de la manœuvre impossible, car cette stratégie soude
aussitôt PRD et UDC, en créant entre eux une communauté d’intérêt.
Quant
au parti radical, il lui appartient de se démarquer avec clarté des méthodes
de l’UDC, en osant tirer le frein d’urgence avec vigueur, comme
vient de le faire Pascal Couchepin. A défaut, ils perdront leur
identité et leur raison d’être, en trahissant les valeurs de
l’Etat qu’ils ont créé en 1848. Une
fois ces principes posés, l’équation à résoudre entre les quatre
« partis républicains », PRD, PDC, PS et Verts est
relativement simple. S’il le souhaite, Samuel Schmid peut être réélu,
en sa qualité d’UDC atypique mais respectueux de l’Etat de droit. Quant
au siège de Christoph Blocher, dans la mesure où il n’existe
probablement pas d’autre UDC représentatif, rejetant ses méthodes
et susceptible d’être élu, il convient de se tourner du côté du
PDC et des Verts pour le repourvoir. Les élections fédérales
renseigneront sur les rapports de force existant entre les quatre
partis respectueux des principes constitutionnels et soucieux du régime
de concordance. Au regard de ces résultats, il conviendra d’équilibrer
au plus juste ce Conseil fédéral rénové,
notamment dans la perspective d’éventuelles batailles référendaires. Cette
sortie de crise ne signifie pas gommer les importantes divergences
politiques entre les « partis républicains ». Elle
n’oblige nullement la gauche ou la droite classique à renoncer à
leurs convictions. Elle consiste à faire ce que l’Autriche a fait
après deux ans de présence de Haider au gouvernement, et l’Italie
après cinq and de Berlusconisme. C'est-à-dire rétablir l’ordre
constitutionnel. Ni plus, ni moins. Roger
Nordmann, Conseiller national PS, VD *François
Cherix, « Christoph Blocher ou le mépris des lois »,
Edition Favre.
|
|
Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |