Nos agriculteurs continuent à payer beaucoup trop cher de nombreux « intrants » (engrais, machines, semences, etc.) en raison de la protection offerte par les brevets et des structures d’importation cartellisées et surannées. Ce qui n’empêchait pas récemment le vice-président d’économiesuisse de se tortiller comme un vers sur les ondes de la Radio suisse romande en nous expliquant qu’il ne fallait surtout pas lever trop vite l’interdiction des importations parallèles, car les conséquences pourraient être nuisibles. Il n’a évidemment pas précisé pour qui l’abolition les monopoles d’importation serait nuisible : pour les détenteurs des brevets et les importateurs, mais sûrement pas pour les paysans.
Pour la Suisse, ce volet est l’un des principaux avantages d’un accord de libre-échange agro-alimentaire avec l’UE, en comparaison avec la situation de simple membre de l’OMC. Si nos agriculteurs doivent produire à des prix européens, voir même mondiaux, mais en continuant à payer trop cher leurs achats préalables, on les met dans une situation impossible. Comme simple membre de l’OMC, c’est ce qui risque d’arriver. En plus, une bonne partie des barrières d’accès au marché européen – notre marché naturel – sont d’ordre «non tarifaire», en particulier en raisons de normes techniques divergentes et non reconnues. En bref, il s’agit d’offrir à notre secteur agricole des perspectives réelles autres que de servir de monnaie d’échange sacrificielle dans les négociations de l’OMC.
Si l’on compare avec l’Autriche, qui participe pleinement à la politique agricole commune depuis 1995, on voit que la stratégie d’une pleine intégration du secteur agricole est pertinente : Entre 1990/92 et 2003, le nombre d’exploitations agricoles a baissé de 32%, ce qui est comparable avec le chiffre de 29% subi en Suisse. La taille moyenne des exploitations a augmenté dans une mesure comparable. Mais le plus intéressant, c’est que le revenu moyen par force de travail dans l’agriculture a augmenté de 30% en Autriche, contre seulement 16% en Suisse. Cela s’explique par le recentrage de l’agriculture autrichienne vers des produits à plus grande valeur ajoutée, qui sont exportés dans toute l’Union.
Un accord de libre-échange agro-alimentaire étendu aux intrants et à la chaîne de production après la ferme offre aussi des perspectives intéressantes pour les consommateurs, qui bénéficieraient de prix européens. Cela réduirait drastiquement le tourisme des achats. Ce point est aussi très important : la pire des situations serait un effet des baisses des prix à la production dues à l’OMC, mais sans que ces baisses ne soient répercutées sur les consommatrices et les consommateurs, et cela pour la simple raison que la chaîne allant de la ferme à l’étal en profiterait pour accroître encore ses marges.
Pour toutes ces raisons, le PS pense qu’il est pertinent de poursuivre le projet d’un tel accord de libre échange ambitieux avec l’Union dans le domaine agro-alimentaire. Politiquement, l’avantage est double : d’une part, on se rapproche de la position de l’UE dans les négociations internationales (OMC). D’autre part, on poursuit la levée progressive des obstacles à l’adhésion de la Suisse.
Ce qui m’amène directement à la série d’interventions parlementaires que vient de déposer le groupe PS et que vous trouvez dans la documentation. Ces interventions s’inscrivent justement dans la poursuite de la levée progressive des obstacles à l’adhésion. En particulier, nous souhaitons que les secteurs des services financiers et du conseil d’entreprises s’ouvrent et s’adaptent aux standards européens : surveillance des intermédiaires, protection des consommateurs, lutte contre le blanchiment, bonne gouvernance. Nous souhaitons aussi nous rapprocher de très près des dispositifs de protection des travailleurs.
Ces propositions, combinées avec l’accord de libre-échange, consolident notre situation de membre à 80% de l’UE. Il n’y a pas si longtemps, la libre circulation des personnes, Schengen et l’agriculture étaient présentés comme des obstacles insurmontables à l’adhésion. Nous les avons surmontés. Le rapport du Conseil fédéral, bien que peu visionnaire, amène une clarification sur trois pseudo-problèmes : neutralité, démocratie semi directe, et fédéralisme, dont on voit qu’ils sont compatibles avec l’appartenance à l’UE.
Mais un point central demeure non résolu malgré ces différents rapprochements avec l’UE, et ce point m’est insupportable en tant que démocrate : la Suisse applique des décisions et un cadre de plus en plus contraignant sur lesquels elle n’a rien à dire. Deux de nos interventions visent à diminuer les inconvénients de cette situation et à chercher des voies à long terme, dans le cadre de l’adhésion.