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Article 24 Heures, 16.2.06 Réchauffement climatique : les paroles et les actes La Loi fédérale sur le CO2 prévoit que la Suisse baisse d’un dixième ses émissions globales de CO2 d’ici 2010 par rapport au niveau qui prévalait en 1990. Vu la gravité du problème du réchauffement climatique, cette loi a été acceptée en 1999 par 143 voix contre 44 au Conseil national et à la quasi unanimité du Conseil des Etats. Dans une première phase de quatre ans, la Loi sur le CO2 prévoit des mesures volontaires, notamment de la part des entreprises. Après 2004, c’est-à-dire maintenant, elle stipule que « Si ces mesures ne permettent pas, à elles seules, d’atteindre les objectifs fixés, la Confédération perçoit une taxe d’incitation sur les agents fossiles (taxe sur le CO2) ». La Loi impose en outre la restitution intégrale du produit de la taxe aux entreprises et à la population, sous la forme d’un rabais forfaitaire sur les cotisations AVS et sur les primes d’assurance maladie. Les faits étant têtus, il faut aujourd’hui constater que nous sommes loin d’avoir atteint les objectifs de réduction des émissions de CO2 prévus par la loi et par le Protocole de Kyoto. En effet, si les émissions se sont stabilisées au niveau du début des années nonante, elles n’ont en revanche pas diminué d’un iota. Conformément à la loi, le Conseil fédéral a donc proposé d’introduire une taxe CO2 de 9 centimes par litre de mazout et de 0,7 centimes par KWh de gaz de chauffage. Or, par 13 voix contre 12, la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du conseil national vient de refuser cette introduction, ce qui augure très mal du débat au plénum. Le rejet de la taxe par l’UDC n’est pas surprenant, car ce parti nie depuis toujours l’existence du réchauffement climatique et avait déjà voté contre l’adoption de la Loi sur le CO2 en 1999. Par contre, le fait que tous les radicaux, dont un éminent vaudois, se soient alignés sur l’UDC a de quoi surprendre. Le PRD avait en effet approuvé la loi en 1999, au motif qu’elle prévoyait des « instruments de marché » plutôt que des subventions pour résoudre le problème du réchauffement climatique. De surcroît, ce parti mène actuellement campagne à Lausanne sur le thème « trop de pollution !». Comme quoi certains ont le toupet de promettre à Lausanne exactement le contraire de ce que ils votent à Berne. La manière dont les lobbies pétrolier et immobilier sont parvenu à retourner le PRD est extraordinairement révélatrice. En lieu et place de la taxe CO2, ils ont proposé d’introduire un « centime climatique II ». Selon les explications reçues - rédigées uniquement en allemand - les commerçants de gaz et de mazout prélèveraient eux-mêmes une taxe et décideraient eux-mêmes de l’affectation des fonds. A y regarder de plus près, ce « centime climatique II» est une entente cartellaire entre importateurs afin d’introduire un « impôt privé » dépourvu de toute base légale. Le Parlement s’apprête donc à renoncer à la taxe CO2 prévue par la loi en l’échange de vagues promesses de la part de lobbies dont le réchauffement climatique est la dernière des préoccupations. Avec ce dispositif, les institutions démocratiquement élues renoncent à fixer elle-même le montant de la taxe et à contrôler la manière dont l’argent est dépensé. Pareil instrumentalisation de la majorité politique par les lobbies est consternante, d’autant plus que toutes les études sérieuses montrent que le centime climatique ne suffit pas pour atteindre la réduction recherchée des émission de CO2. Mais qui s’en préoccupe encore dans les salons feutrés des grands hôtels bernois ? Lire le texte de la loi sur le CO 2: http://www.admin.ch/ch/f/rs/641_71/index.html
24 Heures, 16.2.06
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |