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Article: Domaine Public, 2 septembre 2005 Electricité renouvelable: Passer à la production de masse Pendant la session d’automne, le Conseil national traitera du projet de loi sur l’approvisionnement en électricité. Simultanément, une modification de la loi sur l’énergie sera mise en délibération. La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie de la Chambre du peuple a dissocié les deux aspects, initialement liés. Ils devraient donc faire l’objet de deux arrêtés fédéraux distincts et seront donc, le cas échéant, soumis séparément au référendum. Coup de projecteur sur les aspects environnementaux.
Les tensions sur le marché européen de l’électricité sont de plus en plus fortes. Du côté de l’offre, ce sont avant tout les faiblesses des sources d’énergies non renouvelables qui expliquent cette situation.
Dans ces circonstances, il y a un intérêt évident pour l’économie, les consommateurs et l’environnement à mener une politique volontariste de renforcement de la capacité de production d’électricité d’origine renouvelable. La plupart des pays européens ont pris des mesures dans ce sens, et en particulier l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark et l’Espagne. Les quotas d’électricité verte Cette évidence n’a pas empêché l’aile dure du lobby des entreprises électriques, relayée par l’UDC, de tenter de diluer cet objectif lors des travaux de commission, heureusement sans succès. La bataille s’est ensuite focalisée sur les instruments permettant ce renforcement. Le Conseil fédéral proposait de créer la base légale d’un système de quotas, qu’il aurait eu la faculté d’introduire ultérieurement s’il le jugeait nécessaire. Le système des quotas prévoit d’obliger les distributeurs électriques à fournir une part minimale d’électricité d’origine renouvelable. Il est prévu que les distributeurs qui livrent plus d’électricité verte que la norme peuvent revendre des certificats à ceux qui n’atteignent pas la norme. Si l’on utilise ce dispositif pour exercer une pression croissante et prévisible, cela accroîtra la rentabilité des installations de production d’énergies renouvelables. Cet instrument nécessite cependant d’être accompagné par une vraie politique de renforcement des capacité de production. Sinon, il risque simplement d’aboutir à un effet de vases communicants : on importe du courant vert, qui est remplacé à l’étranger par du courant ordinaire. Soucieuse d’obtenir de vrais progrès, la commission a opté pour une introduction immédiate des quotas, alors même que les lobbyistes électriques voulaient torpiller complètement le système. Nul doute cependant que la bataille se répétera au plénum. Stimuler les investissements Pour s’assurer une croissance vraiment substantielle sur le plan quantitatif, il faut donc des instruments qui déclenchent une vague d’investissements. A cet effet, la commission a adopté un dispositif dont la pièce maîtresse est la rétribution d’injection couvrant les coûts (voir ci-contre) pour toutes les énergies renouvelables, sur le modèle allemand. Ici aussi, la commission a rendu ce dispositif obligatoire alors que le Conseil fédéral l’avait introduit à titre optionnel. Sans surprise, les électriciens font un blocage de principe et proposent un système d’appel d’offre qui a pourtant déjà échoué, par exemple en Angleterre. Il est également prévu de financer la modernisation et le renforcement des installations hydroélectriques, afin d’en augmenter le rendement énergétique, respectivement d’éviter que les exigences renforcées en matière de protection des eaux n’aboutissent à une baisse de puissance. Enfin, il est prévu de financer les efforts d’encouragement à l’utilisation rationnelle de l’électricité.
Comment stimuler les investissements dans les nouvelles énergies renouvelables (NER) ? La rétribution d’injection couvrant les coûts Le potentiel de développement de grandes installations hydroélectriques classiques est quasiment épuisé en Suisse, faute d’emplacements encore utilisables. C’est donc davantage les nouvelles énergies renouvelables (voir encadré ci-dessous) qui permettront de progresser. Pour y parvenir, il est cependant nécessaire de surmonter trois difficultés. Premièrement, les nouvelles énergies renouvelables (NER) sont pour l’instant en général plus chères au KWh, du moins si on les compare à l’alternative la plus banale, à savoir les turbines à gaz. De plus, les NER ont une structure de coût particulière : les investissements initiaux sont plus élevés, mais les frais de fonctionnement plus bas que ceux des sources conventionnelles. Il n’y a en effet que peu ou pas de coût pour obtenir l’énergie primaire: le vent est gratuit, alors que le gaz a un prix élevé et croissant. S’agissant des coûts d’investissement pour les NER, le passage à une production industrielle permet une baisse importante des frais de fabrication des installations, comme le montre l’exemple allemand: le boom éolien a fait chuter le prix des installations, au point que ce mode de production est en train de devenir le plus concurrentiel si l’on considère le tarif au KWh. Le même phénomène a lieu pour le photovoltaïque, qui demeure pourtant encore loin du seuil de rentabilité. Dans les deux cas, il faut cependant un élément susceptible de déclencher le succès d’une nouvelle ressource. Trouver les financements La deuxième difficulté consiste à trouver des investisseurs pour les nouvelles énergies renouvelables. Le problème est similaire à celui rencontré autrefois lors de la construction des grands barrages et des centrales nucléaires. Les prix de revient par KWh pour les nouvelles installations étaient alors supérieurs aux prix de vente du courant produit par les anciennes installations déjà amorties. A l’époque, les grandes entreprises monopolistiques ont résolu ce problème en vendant le courant à un prix moyen, ce qui permettait de couvrir les coûts des nouveaux investissements. Ainsi, tous les usagers participaient au financement. Malheureusement, cette piste n’est plus garantie dans le contexte actuel de libéralisation rampante ou explicite. Le producteur qui cherche à dégager une marge supplémentaire pour financer d’autres projets risque de perdre ses clients, du moins lorsque ceux-ci sont de grandes entreprises ou des revendeurs de courant. Finalement, de nombreuses entreprises électriques sont assez réticentes aux nouvelles énergies renouvelables. Il s’agit d’une réticence stratégique, mais aussi pratique, dans la mesure où les NER exigent souvent une approche décentralisée qui ne correspond pas à la culture de ces entreprises. Levée des incertitudes financières Pour remédier à ce problème, il est prévu d’introduire la rétribution d’injection couvrant les coûts (RICC). La RICC garantit à l’investisseur un prix d’achat du KWh qui ne change pas pendant une durée contractuelle donnée, généralement vingt ans. Ce prix assuré par contrat lève les incertitudes et permet de réunir les capitaux pour construire l’installation. Le niveau de rétribution est évidemment différencié en fonction de la technologie. Une installation de production d’électricité à partir de la biomasse ou des déchets obtient un tarif plus bas qu’une installation photovoltaïque, parce que ce sont des technologies moins chères. Chaque année, le niveau des rétributions pour les nouveaux contrats baisse de quelques pour-cents. Cette baisse annoncée du niveau de rétribution pour les contrats conclus plus tard incite les investisseurs à démarrer immédiatement les projets, de manière à bénéficier d’un prix plus élevé de vente du courant pendant les vingt années qui suivent. Cet effet a déclenché le boom éolien en Allemagne. Avec l’effet induit de créer des gains d’échelle dans la fabrication d’installations, et donc une baisse des coûts d’investissement. Arriver aux prix du marché La baisse progressive et annoncée des rétributions, ainsi que les gains d’échelle, amènent progressivement le coût de la technologie en question à un prix au KWh proche du marché. Contrairement au subventionnement direct des investissements, ce mode de rétribution au KWh a l’avantage de ne soutenir que les propriétaires qui font effectivement fonctionner leurs installations. Comme l’électricité est ensuite revendue sur le marché, seule la différence entre la RICC et les prix du marché doit être prise en charge. Plus ces derniers montent, moins la différence est élevée. Dans le contexte de pénurie qui se dessine, le système a donc des coûts qui diminuent. Le financement est assuré par un prélèvement de maximum 0,3 centimes par KWh sur le timbre de transport de l’électricité sur le réseau à très haute tension. Cela représente un montant d’environ 150 à 180 millions par an. Cette socialisation du financement des nouvelles technologies est le pendant du «prix moyen» pratiqué autrefois pour financer les barrages et les centrales nucléaires. rn
Encadré: les nouvelles énergies renouvelables Dans le domaine de l’électricité, on entend par là le photovoltaïque, l’éolien, la géothermie de grande profondeur, les différentes sortes de biomasse (biogas, bois, STEP, etc.), la combustion de la part non-fossile des déchets ménagers ainsi que le turbinage de l’eau potable et des eau usées. L’adjectif «nouveau» signale la différence avec les installations hydroélectriques classiques au fil de l’eau ou par accumulation.
Domaine Public, 2 septembre 2005
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