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Article Domaine Public, 6 mai 2005 Politique européenne et A380: le Lötschberg cloué au sol Un
petit poisson, un petit oiseau S'aimaient
d'amour tendre Mais
comment s'y prendre Quand
on est dans l'eau Un
petit poisson, un petit oiseau S'aimaient
d'amour tendre Mais
comment s'y prendre Quand
on est là-haut? (Juliette
Greco) Le
contraste est saisissant. Mercredi, l’Europe fêtait, sous l’oeil
envieux du monde entier, le décollage de l’Airbus géant. Jeudi, les
autorités cantonales bernoises et valaisannes se retrouvaient deux
mille mètres sous terre pour marquer le percement du tunnel du Lötschberg
sans susciter la moindre dépêche dans les journaux des pays
limitrophes. En
termes technologiques et écologiques, l’A380 représente certes une
performance, mais en aucun cas un changement de paradigme. Il
transportera simplement un peu plus, en polluant un peu moins. En
revanche, les transversales alpines (NLFA) et la politique de transfert
des marchandises de la route au rail constituent un progrès considérable
sous l’angle écologique et économique. L’impact direct dépassera
largement les vallées alpines : c’est jusqu’à Rotterdam, Hambourg
et Gênes que les riverains des axes de transport en bénéficieront.
L’effet de contagion est considérable, comme le montre
l’introduction en Allemagne d’une taxe poids lourds. Tout bien
considéré, c’est donc le Lötschberg qui aurait mérité les
honneurs des gazettes, et non pas l’A380. Ce
contraste est un formidable révélateur de l’isolement européen de
notre pays. Tout d’abord au plan fi- nancier. Alors que plusieurs
pays européens financent solidairement les dix milliards d’euros de
développement de l’A380, la petite Suisse paie seule une facture
similaire pour des infrastructures qui bénéficieront avant tout aux
pays européens voisins. Cela
souligne aussi notre isolement politique. Il est
ahurissant qu’aucun ministre des transports européen n’ait fait le
déplacement pour cet événement. Et l’on se demande pourquoi le Département
fédéral des affaires étrangères n’a pas saisi cet événement
pour mettre en évidence la contribution suisse à l’Europe des
transports ? L’occasion était d’autant plus précieuse que nous
sommes à la veille de deux votations difficiles. Mais il est vrai que
les trains, l’argent, les relations extérieures et la politique économique
relèvent de quatre départements distincts, dont les bureaux sont séparés
par des blocs de granit plus dur que celui du Lötschberg.
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |