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Article 24 Heures, 30 septembre 2004 Les communes vaudoises à la croisée des chemins Roger Nordmann, économiste, député, vice-président du Parti socialiste vaudois (PSV) Les communes vaudoises sont prisonnières d’un engrenage infernal : leurs compétences se réduisent comme une peau de chagrin, la péréquation devient une véritable usine à gaz et des prélèvements par le canton deviennent de plus en plus lourds. Face à cela, le lobby des députés-syndics s’insurge, mais sans pour autant qu’une issue ne se dessine, car l’on refuse de regarder objectivement les causes du mal. A mon avis, cet engrenage s’explique largement par la petitesses de la plupart de nos 382 communes, dont près de la moitié ont moins de 400 habitants. A l’origine, il me semble que deux effets structurels fondamentaux peuvent être identifiés. Premièrement, le morcellement en très nombreuses petites communes empêche ces dernières d’assumer des tâches complexes comme l’organisation de l’école primaire ou de l’aide sociale par exemple. Cela explique qu’au cours des quinze dernières années, les tâches les plus substantielles ont été transférées au canton. De plus en plus, les communes doivent se contenter de tâches de moindre importance. Accessoirement, ce transfert de tâches vers le haut a plombé les finances du canton, lequel ne manque désormais plus aucun bricolage lui permettant de ponctionner communes. Deuxièmement, avec des communes très petites, les disparités fiscales deviennent vite insupportables : l’existence d’un ou deux contribuables aisés permet à une commune d’avoir un taux d’imposition très bas ; inversement, leur absence nécessite au contraire des impôts élevés. Cette variabilité est aggravée par des charges spéciales : telle petite commune rurale a beaucoup de routes, de forêt ou de transports scolaires, telle commune urbaine assume seule des tâches utiles à toute la région, voire au canton, comme dans le cas de Lausanne. Tout cela a fini par creuser des disparités fiscales insupportables, tant et si bien qu’il a fallu mettre en place une puissante péréquation pour les adoucir. Aujourd’hui, la péréquation a certes atteint son objectif de réduction des disparités fiscales, mais au prix d’une forte ponction sur le budget communal, d’une intransparence et d’une complexité croissante. Désormais, il n’y a plus guère que le responsable des calculs et un syndic porté sur les maths à disposer encore, je l’espère, une vue d’ensemble. Et cela va s’aggraver, puisque l’on s’apprête à y ajouter, selon le jargon en vigueur, des « couches supplémentaires », afin « d’écrêter » diverses charges spéciales. Cette situation aboutit à de coûteux gaspillages, à une centralisation inutile et accessoirement à l’émergence d’un niveau intercommunal échappant à tout contrôle démocratique. Si l’on veut que nos communes retrouvent une capacité d’assumer des tâches substantielles, il faut avoir le courage de procéder à des fusions en masse, tant dans les zones urbaines que campagnardes. Cela donnera aux communes l’assise nécessaire d’assumer plus efficacement les tâches locales qui devraient leur revenir. De plus, en réduisant à 50 ou 100 le nombre des communes, cela aura pour effet mathématique de lisser les disparités à l’intérieur des régions: par exemple, si Lausanne ne formait plus qu’une seule commune avec les localités de sa couronne, le financement des tâches centre serait quasiment résolu. Et si Ropraz, siège fiscal de Fotolabo SA, fusionnait avec les communes voisines, la nouvelle entité serait autrement plus solide. Il ne subsisterait alors plus que des différences structurelles entre les régions, dont le lissage nécessiterait une péréquation nettement moins forte qu’aujourd’hui. Et l’on pourrait consacrer plus de moyens à une politique de développement économique régional : par exemple, en modernisant l’infrastructure touristique du balcon du jura, ou favorisant la reconversion des régions délaissées par l’agriculture. De manière à atténuer sur les causes des disparités plutôt que leurs symptômes. Les édiles locaux sauront-ils empoigner le taureau par les cornes afin de dépasser le rythme actuel d’une fusion par an ? A défaut, gageons qu’il faudra dans dix ans procéder à une restructuration autoritaire.
24 Heures, 30 septembre 2004
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |