|
Article Domaine Public, 17 mai 2002 Fonction publique: l’imbroglio hérité de la législature précédente Par Roger Nordmann, 17 mai 2002 Dans le canton de Vaud, le brouillard est épais autour du statut de la fonction publique. En effet, le vote populaire du 2 juin n’est que le premier d’une série qui pourrait en compter cinq. Le 2 juin, le peuple vaudois aura à se prononcer sur l’abolition de l’article constitutionnel établissant la nomination des fonctionnaires. L’ancien Conseil d’Etat a jugé nécessaire cette abrogation, pour assurer la constitutionnalité de la nouvelle Loi sur le statut de la fonction publique, qui ne prévoit plus de nomination. Or, en septembre, le peuple aura à se prononcer sur une nouvelle Constitution qui ne traite plus de la nomination des fonctionnaires. Si elle est acceptée, le vote de juin aura été une retouche sur un texte en fin de vie. Depuis le début de ses travaux, la constituante a suivi cette ligne. N’aurait-il pas mieux valu, alors, renoncer à modifier la Constitution actuelle, en se contentant d’insérer une disposition transitoire dans la Loi sur le statut? Une telle disposition aurait par exemple pu prévoir que la nomination est maintenue aussi longtemps que la Constitution de 1885 est en vigueur. La question aurait pu en rester là. Mais c’eût été trop simple. Les nouvelles Lois sur le statut et la caisse de pension ont été adoptées en automne 2001 par le Grand Conseil, mais elles n’ont à ce jour pas encore été publiées dans la Feuille des avis officiels. Cela signifie que le délai référendaire n’a pas encore démarré, et a fortiori qu’elles ne sont pas encore en vigueur. Le Conseil d’Etat attend en effet le résultat de la votation constitutionnelle de juin. Le risque du double vote En cas d’abolition de l’article constitutionnel sur la nomination, le 2 juin, le Conseil d’Etat entend publier les deux lois dans les jours qui suivent, ce qui ouvrira le délai référendaire. Les syndicats SUD et SSP ayant annoncé leur volonté de récolter les signatures contre ces deux lois, il paraît vraisemblable qu’il y aura ultérieurement une double votation, dont le résultat pourrait, le cas échéant, être en contradiction avec la votation constitutionnelle de juin. Cette hypothèse n’est en effet pas totalement improbable, car la conjonction contre-nature des forces syndicales qui jugent le statut « trop sévère » et des forces libéralo-patronales qui le jugent «pas assez sévère» pourrait se solder par le rejet des deux textes légaux. On aboutirait alors à la situation absurde d’avoir aboli une norme constitutionnelle, de toute façon destinée à disparaître en septembre, tout en ayant envoyé ad patres le dispositif légal que cette abolition était sensée permettre! Mais ce n’est pas tout : en cas de refus le 2 juin, le Conseil d’Etat se trouvera encombré de deux lois votées par le parlement, mais difficilement publiables, parce que l’une est temporairement anticonstitutionnelle. Difficile d’imaginer pire héritage de la législature précédente. Les choix possibles A partir de ce cas de figure le Conseil d’Etat a quatre possibilités: - Il attend le vote sur la nouvelle constitution, en espérant qu’elle soit adoptée le 22 septembre. Il peut alors ouvrir la procédure référendaire habituelle. - Il peut décider de tenir compte du refus populaire exprimé sur un point précis en proposant au Grand Conseil une correction de la nouvelle Loi sur le statut de la fonction publique. -Il peut proposer au Grand Conseil d’abroger purement et simplement la Loi sur le statut, et peut-être même celle sur la caisse de pension. Sa position consisterait alors à dire que le «paquet» serait déséquilibré et qu’il vaut mieux y renoncer pour recommencer à zéro. -Le Conseil d’Etat pourrait quand même publier les deux lois en juin, ce qui ouvrirait le délai référendaire. Il annoncerait alors que, si la nouvelle constitution devait être refusée, il proposerait – avant même l’entrée en vigueur de la Loi sur le statut – de modifier cette dernière afin de rétablir la nomination. En revanche, le Conseil d’Etat n’a pas la compétence de jeter aux orties ces deux textes votés par le parlement sans repasser devant ce dernier. Vu l’imbroglio, on se dit qu’il aurait été malin de regrouper dans un seul et unique décret la modification constitutionnelle de l’article 63 et les deux nouvelles lois. Ainsi, la votation constitutionnelle, obligatoire, aurait scellé par la même occasion le sort des deux lois, en un seul vote populaire. A relever que le Conseil d’Etat semble vouloir coller informellement à ce scénario: dans les explications distribuées aux citoyennes et aux citoyens, préparées par l’ancien Conseil d’Etat, on présente la votation du 2 juin comme un vote sur l’ensemble du nouveau dispositif de la fonction publique. Cela laisse présumer qu’en cas de défaite, le Conseil d’Etat proposera d’abroger complètement les deux textes légaux. En guise de cerise sur le gâteau, on remarquera qu’une décision d’abrogation d’une loi est en principe soumise au référendum. Ce serait le cinquième vote!
|
|
Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |