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Roger Nordmann

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Article Domaine Public, 10 mai 2002

Fusion Vaud-Genève: l’exaspérante médiocrité du débat 

Par Roger Nordmann, 1er mars 2002

Entre l’invocation caricaturale des identités et la vacuité du projet, entre les discours sur l’efficacité et les bons conseils prodigués aux initiants, le débat sur l’initiative Vaud-Genève est d’une pauvreté affligeante. 

Lorsqu’un vaudois et une genevoise se croisent à Barcelone, ils se sentent suisses-romands, au même titre qu’une italienne et un luxembourgeois se sentent européens lorsqu’ils se croisent à Dallas. Le sentiment identitaire peut alors s’exprimer dans toutes ses subtilités : goûts alimentaires, communauté historique, proximité linguistique, similitudes politiques, etc.

Cette petite expérience que nous avons tous vécue, un jour ou l’autre, relativise fortement la pérennité des identités : les identités évoluent selon le point de vue et les circonstances, ce qui ne retranche rien à leur importance. Mais les identités ont plusieurs dimensions et l’appartenance à une collectivité territoriale régionale n’en est qu’une. L’appartenance à sa famille, à un club, à un courant philosophique ou religieux, voire à une entité géographique est aussi importante. Vus sous cet angle, les arguments identitaires invoqués contre la fusion Vaud-Genève ne convainquent guère. La création du Bade-Wurtemberg il y a 50 ans montre que sur le plan des indentités il est possible de trouver des solutions satisfaisantes et durables (DP 1514). Et le bilan historique des courants politiques, qui font de la défense de l’identité territoriale, culturelle, religieuse ou ethnique leur fond de commerce, ne plaide guère pour eux. Les avatars de la globalisation ont parfois tendance à nous le faire oublier.

Les prétendus gains d’efficacité

A l’inverse, les arguments utilitaires invoqués pour la fusion Vaud-Genève sont bien légers. Si l’on devait aujourd’hui redessiner la Suisse, pas de doute que l’on s’inspirerait de la carte napoléonienne ou des réflexions de l’office fédéral de la statistique. L’organisation actuelle n’est, en effet, pas idéale. Mais le gain marginal d’efficacité que pourrait apporter la fusion doit être mis en regard des coûts de transaction de la fusion et des alternatives. Au plan juridique, l’unification du droit cantonal et l’adoption des régimes transitoires constituerait un travail titanesque qui accaparerait les administrations publiques pendant des années. Les différences de répartition des tâches entre le canton et les communes compliqueraient encore l’opération. On sent bien que la complexité de l’Etat moderne rendrait la fusion épuisante et on se prend à envier l’Allemagne de l’immédiat après guerre qui pouvait se permettre de fusionner ses länder.

Dans l’exécution des tâches sociales, de formation et de santé, la fusion n’apporte guère de gain d’échelle: il n’y aura pas moins de patients ou d’élèves dans le nouveau canton. Si certains gains étaient peut-être possibles dans les états-majors administratifs, ils pourraient bien être perdus par l’accroissement de la complexité : plus grand ne signifie pas forcément plus efficace. Et rien ne garantit que les autorités du nouveau canton aient les moyens politiques d’imposer les rares rationalisations possibles, comme en médecine de pointe. Dans ce dernier domaine, on sent bien que c’est plutôt un transfert à la Confédération qui permettrait l’organisation la plus efficace.

La principale faiblesse de l’initiative Vaud-Genève tient à l’absence de réponse convaincante à la question centrale de la plus-value qu’apporterait la fusion. Au passage, on notera que le monde politique est plus performant que le monde économique : dans ce dernier, on fusionne avant de réfléchir, et l’on déplore ensuite la destruction des valeurs qui en résulte généralement.

Les vertus intrinsèques de l’initiative

Si l’on examine le processus plutôt que la finalité, l’initiative a déployé des effets favorables sur les mentalités. On a enfin pris conscience des limites démocratiques de la collaboration intercantonale entre exécutifs. Les gouvernements vaudois et genevois se sont à contrecœur décidés à publier un livre blanc sur leur collaboration. Un nombre raisonnable de «Oui» aurait l’avantage de maintenir la pression.

A plusieurs reprises, les initiants se sont vus reprocher de ne pas aborder le problème à l’échelle fédérale, parce que seule une approche globale permettrait d’établir un nouveau découpage cohérent des frontières. Or, si François Cherix avait lancé une initiative fédérale, on lui reprocherait aujourd’hui de ne pas avoir choisi une approche démocratique et lui suggérerait de commencer par proposer la fusion de deux cantons. Sous cet angle, la tentation du «Oui» anticonservateur est bien présente.

Le premier tour des élections françaises est venu rappeler que le vote n’est pas un acte symbolique, mais un élément constitutif d’une décision. Mais dans notre cas, les risques d’aboutissement de l’initiative sont infimes. Et même une acceptation de l’initiative ne serait que le début d’un processus constitutionnel aboutissant à un second vote de ratification. Dans le souci de ne pas renforcer le conservatisme et la sclérose helvétique, je prendrai dès lors le risque de voter « Oui ». Même si, au fond, le jeu de la fusion Vaud-Genève n’en vaut pas la chandelle.

Domaine Public, 10 mai 2002

 

 

  

 

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