La
réponse de la BCV
Nous
avons pris connaissance de l’article paru vendredi [ndlr, le 1er février
2002] dans DP – sous la signature «rn» – dont votre rédaction
a apparemment fait part avant sa publication aux médias qui reçoivent
copie de la présente.
Cet
article contient – à notre étonnement et déception – de
nombreuses erreurs factuelles qui auraient pu être facilement évitées,
des interprétations non fondées et de fausses allégations à
caractère diffamatoire. En effet, nous avions transmis les
informations demandées à votre rédaction, par oral et par écrit
(cf. échange de correspondance en annexe) le 28 janvier 2002 au
matin et vous saviez que nous nous tenions à votre disposition pour
vous permettre de vérifier l’exactitude de vos déductions. Il
nous paraît tout d’abord important de revenir plus en détail sur
les notions qui méritent d’être corrigées:
•
L’article en question débute par une erreur importante, puisque
vous parlez de «(...) 1,7 milliard de manque de provisions (...)»,
alors qu’il s’agit du montant total de nos provisions.
En
effet, le besoin de provisions supplémentaires à fin 2001 se
chiffre, comme annoncé le 18 décembre 2001, à 1,125 milliard.
Ceci représente une différence de près de 600 millions par
rapport au chiffre que vous annoncez, ce qui, vous en conviendrez,
n’est pas négligeable. (1)
•
Vous affirmez à vos lectrices/teurs que l’augmentation salariale
constatée entre 1998 et 2000 s’explique par le fait que «(...)
certains spécialistes, les cadres supérieurs et la direction générale
ont bénéficié d’une augmentation bien supérieure à 31% des
bonis et autres variables (...)». Vous saviez pourtant
pertinemment, lors de la rédaction de cet article, que l’ensemble
de nos collaboratrices/teurs bénéficie – en plus du salaire fixe
– d’un salaire variable qui est fonction des résultats de la
banque (bénéfice brut). Quant au bonus, qui n’est octroyé qu’à
10-20% de nos collaboratrices/teurs, chacune et chacun peut en bénéficier,
toutes fonctions et tous niveaux confondus, moyennant un engagement
exceptionnel lors de l’année écoulée.
En
ne parlant pas du salaire variable et en sous-entendant que le bonus
est réservé à la sphère dirigeante de la Banque, votre
journaliste induit sciemment vos lecteurs en erreur et il omet des
informations essentielles, en sa possession, qui expliquent
directement l’augmentation de notre masse salariale durant la période
que vous mentionnez. Il va même jusqu’à prétendre que la Banque
« (...) refuse de spécifier quelles catégories de personnel ont bénéficié
des augmentations», ce qui est un mensonge pur et simple au regard
des réponses que nous vous avons transmises.
•
Quant à l’augmentation de notre masse salariale entre 1998 et
2000, vous parlez de 31% alors que les chiffres concernant notre
maisonmère présentent une augmentation de 21,6%, avec une
croissance de 35,8% de notre cash-flow (bénéfice brut).
Dans
la mesure où vous visez les salaires appliqués à la maison mère,
il eut été plus correct de considérer les chiffres qui lui
correspondent. (2)
•
Dans le paragraphe intitulé «l’art de polir le résultat»,
l’interprétation que vous donnez aux dissolutions de réserves
effectuées de 1998 à 2000 est fallacieuse.
•
Les 224 millions prélevés en trois ans ont en effet été transférés
des
réserves
libres aux provisions affectées – comme cela ressort clairement
des
tableaux et des commentaires de nos rapports annuels – à la
couverture des risques identifiés. Pour des raisons de transparence
et conformément aux exigences de la Commission fédérale des
banques, cette opération doit transiter par le compte de résultat.
Une telle utilisation des réserves libres est donc parfaitement
licite et transparente. Elle était de plus nécessaire pour que la
banque dispose de provisions conformes aux besoins déterminés sur
la base de la méthode appliquée pendant cette période. Prétendre
que le manque de fonds propres serait aujourd’hui nettement
moindre si nous n’avions pas effectué ces dissolutions de réserves
n’a pas davantage de sens que d’écrire, par exemple, que la
banque aurait pu économiser des centaines de millions en ne payant
ni ses employés, ni ses fournisseurs.
•
Dans ce même paragraphe, vous insinuez que la banque aurait «(...)
dissous des réserves au profit du compte de résultats, avec pour
effet de donner à l’observateur peu attentif l’image d’une
situation fi- nancière améliorée».
Cette
accusation est grave car vous sous-entendez que la banque aurait
falsifié ou arrangé ses comptes pour cacher sa situation réelle.
De telles assertions sont intolérables et portent gravement
atteinte à notre crédit. Tout au plus pourrions-nous comprendre
que vous ne maîtrisez pas les règles comptables de base mais ceci
ne vous affranchissait pas du devoir de vous renseigner – ne
serait-ce que par honnêteté intellectuelle – avant de publier
votre article. (3)
•
Par ailleurs, lorsque votre journaliste écrit que «(...) la BCV
est parvenue à influencer la majorité de la commission du Grand
Conseil chargée d’examiner ce projet de loi (...)», il expose à
nouveau les faits de manière tendancieuse et mensongère, faisant
bien peu de cas du libre-arbitre des membres de la commission.
En
effet, cette commission a postposé le débat sur le rapport du
Gouvernement, afin de préserver la stabilité de la banque et
prendre le temps d’analyser de plus près le contenu du rapport et
ses conséquences. Il ne s’agissait aucunement d’une décision
influencée par la banque mais plutôt d’une réflexion inscrite
dans le prolongement de l’acceptation – en décembre dernier par
le Grand Conseil – de l’octroi des 300 millions destinés à
l’augmentation de capital de la BCV. Pour rappel, le Grand
Conseil, ayant vu l’intérêt général, a tout de suite corrigé
et adopté dans une très large majorité le budget 2002 pour
inclure ces 300 millions. La banque a apprécié ce geste de
confiance et de soutien. Enfin, il semble utile de vous préciser
que notre établissement n’a jamais tenté d’interférer sur les
débats et les processus démocratiques de décision. (4)
Votre
article présente des éléments objectivement faux sur lesquels
vous
ne nous avez pas permis de nous exprimer. Nous le déplorons
d’autant plus vigoureusement que nous aurions volontiers porté à
votre connaissance les informations utiles, notamment en matière de
comptabilité bancaire. Il est de plus inacceptable que vous
n’ayez utilisé que des parties sélectionnées de notre réponse,
occultant volontairement celles qui contredisent vos insinuations.
Compte
tenu de ce qui précède, nous devons attirer votre attention sur le
fait qu’outre les dispositions ordinaires du Code pénal,
l’atteinte au crédit d’une banque est spécifiquement sanctionnée
par la législation bancaire.
En
conclusion, vous voudrez bien vous prononcer dans les plus brefs délais,
mais d’ici au vendredi 8 février 2002 à 12h00 au plus tard, sur
la manière que vous emploierez pour informer vos lectrices/teurs,
ainsi que les médias auxquels vous avez envoyé votre publication,
des erreurs et interprétations non fondées contenues dans votre
article. Nous réservons tous nos droits quant à la suite que nous
donnerons à cette affaire que nous considérons comme très sérieuse.
Pour
la Banque cantonale vaudoise,
Bernard Kraehenbuhl, Daniel Herrera
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La
réponse de DP
Domaine
Public
répond
point par point aux critiques de la Banque cantonale vaudoise. Pour
la clarté du débat, nous avons numéroté les remarques des représentants
de la BCV, messieurs Kraehenbuhl et Herrera, ainsi que les
observations de DP qui s’y réfèrent.
(1)
Notre article ne contient qu’une seule erreur sur un point
secondaire, à savoir l’ampleur totale du manque de provisions découvert
par la société de consultants, Arthur Andersen. Le manque de
provisions ne s’élevait pas à 1700 millions comme nous l’écrivions
dans notre article, ni à 1125 millions comme l’affirme la Banque
cantonale vaudoise, mais à 1300 millions (source: Rapport du
Conseil d’Etat daté de janvier 2002, page 4). Cette erreur de
relevé ne modifie cependant en rien la démonstration faite dans la
suite de l’article, qui ne portait pas sur cette question.
Politique
salariale
(2)
Nous observons que la BCV ne conteste pas l’augmentation moyenne
des salaires et gratifications de 31 % de 1998 à 2000. Ces chiffres
ressortent clairement du rapport annuel et la première case du
tableau publié par DP précisait explicitement qu’il
s’agissait des chiffres du «groupe BCV – périmètre de
consolidation ».
En
réponse à nos questions, la BCV nous a fourni les indications
suivantes (e-mail de M. Daniel Herrera du 28 janvier 2002).
•
Part des employés ayant droit à des rémunérations variables :
tout le personnel a accès à une rémunération variable, qui est
directement fonction des résultats (cash-flow) de la banque. Dans
de bonnes années, chacune et chacun bénéficie pleinement de ce
système. Lorsque le résultat est moins bon, le salaire variable
est réduit en conséquence.
•
Part des employés ayant droit au bonus: cette part varie entre 10
et 15%.
•
Composition de la masse salariale entre parts fixes, variables et
bonus: étant donné le lien direct du salaire variable avec le résultat
annuel, la composition fixe/variable/bonus varie sensiblement
d’une année à l’autre.
•
Rémunération de la direction générale et du président du
Conseil d’administration: la BCV estime que les informations liées
aux salaires individuels entrent strictement dans la sphère privée,
quel que soit le niveau hiérarchique des collaboratrices et
collaborateurs concernés.
L’entretien
téléphonique du même jour entre la rédactrice de Domaine
Public et M. Daniel Herrera n’a pas permis d’obtenir
davantage de précisions sur la répartition de l’augmentation
entre les différentes catégories du personnel. Dans ces
circonstances et jusqu’à preuve du contraire, nous maintenons nos
deux affirmations:
•
Le personnel de secrétariat et de guichet n’a pas vu son revenu
augmenter de 31% en deux ans. DP n’a en revanche jamais écrit
que cette catégorie de personnel n’avait bénéficié d’aucune
augmentation.
•
Il résulte mathématiquement du point précédent que d’autres
catégories de personnel ont vu leur salaire augmenter de plus de
31%.
Dissolutions
de réserves
(3)
Nous observons que la BCV ne conteste pas la dissolution de 224
millions de réserves de 1998 à 2000. L’effet est de diminuer le
poste « réserve pour risques bancaires généraux » du bilan.
La
dissolution de réserves constitue une recette. Si le groupe BCV
n’avait pas dissous ces réserves, il aurait eu moins de recettes,
et donc moins de bénéfice brut. A noter que DP ne conteste
pas la légalité, mais l’opportunité de dissoudre des réserves
et de continuer à distribuer des dividendes aux actionnaires.
L’ana- logie
faite par la BCV avec le non paiement des employés et des
fournisseurs n’a pas de sens.
DP
maintient
donc que si la BCV n’avait pas employé ces réserves et distribué
autant de dividendes, le manque de fonds propres serait moindre. En
effet, aux termes de l’article 11a, alinéa 1, lettre b de
l’Ordonnance fédérale sur les banques et les caisses d’épargne,
la « réserve pour risques bancaires généraux» entre dans le
calcul des fonds propres légalement exigibles, alors que les
provisions en sont exclues. Dès lors, si la réserve diminue, le
total des fonds propres diminue d’autant, indépendamment de l’évolution
des provisions.
Pour
la bonne compréhension, il y a lieu de rappeler la différence
entre les provisions et les réserves, qui constituent deux postes
du passif. Les réserves, et en particulier celles « pour risques
bancaires généraux » n’étant pas affectées à un dossier
particulier, elles concourent à la solidité générale de la
banque. C’est la raison pour laquelle elles entrent dans le calcul
du socle de fonds propres légalement exigibles.
Les
provisions servent en revanche à couvrir des pertes futures sur des
crédits identifiés comme étant «à risque». Chaque provision
est affectée à un crédit. Le montant des provisions à constituer
chaque année, qui représente une «charge extraordinaire», dépend
uniquement de la découverte de crédits à risque dans le bilan.
Chaque provision étant affectée à un dossier délicat, elle ne
peut être comptabilisée dans les fonds propres légalement
exigibles pour la solidité générale de la banque. La constitution
de provisions est totalement indépendante des éventuelles
dissolutions de réserve. Un établissement peut tout à fait devoir
constituer des provisions sans dissoudre des réserves dans le même
temps.
La
suspension des travaux par la commission du Grand Conseil
(4)
La décision de la commission du Grand Conseil de suspendre ses
travaux représente un virage à 180° par rapport à la proposition
de révision législative accélérée présentée la veille par le
Conseil d’Etat. DP maintient son appréciation quant aux
raisons de ce revirement. rn
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