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Article Domaine Public, 14 décembre 2001 Frein à l'endettement: l'illusion démasquée de l'intelligence artificielle Par Roger Nordmann, 14 décembre 2001 Kaspar Villiger décide de retarder la mise en ouvre du frein à l'endettement. La preuve qu'on n'atteint pas l'équilibre avec un automatisme financier. Notre pays a un rapport particulier avec les dettes : honnies lorsqu'elles sont publiques, on les adore lorsqu'elles permettent d'alléger sa propre déclaration d'impôt. De ce fait, le frein à l'endettement, présenté comme l'ouf de Colomb pour « discipliner» la prétendue indocilité naturelle des politiciens en matière budgétaire, a été plébiscité par le peuple. Petit rappel pour commencer : comme la Confédération ne distingue pas entre compte de fonctionnement et compte d'investissement, l'objectif d'un déficit zéro en moyenne sur plusieurs années est une position extrémiste, car il signifie que le ménage fédéral n'emprunte pas un centime. En comparaison, le plan comptable « Buschor » qu'appliquent les communes et les cantons n'est pas aussi brutal : un déficit zéro du compte de fonctionnement n'exclut pas des emprunts pour les investissements. En refusant d'adopter le plan « Buschor », la Confédération s'impose un régime inutilement drastique et peu convainquant. Que ce soit pour faire voler des avions vides pendant six mois à fonds perdu, pour encourager la recherche scientifique ou pour creuser des tunnels utilisables plusieurs siècles, chaque franc est comptabilisé de manière identique, ce qui revient à additionner des pommes et des poires. Grand adorateur de l'équilibre budgétaire, Kaspar Villiger est pris au dépourvu par la ferveur du « déficit zéro » qu'il a lui-même déclenchée : s'il met en vigueur au plus vite son dispositif conçu pour le beau temps, il risque d'étouffer encore plus la conjoncture. Ce serait alors un lourd tribut à l'extrémisme budgétaire, surtout lorsque Zurich est la première touchée. En revanche, s'il attend encore deux ans, M. Villiger fait la démonstration de l'inanité de ce type de dispositif : dès qu'il dérange, on le déclenche, à l'image de l'alarme d'altitude à l'approche de la piste 28 de Kloten. La réflexion est du reste valable pour l'aéronautique comme pour les finances. En reportant la mise en ouvre du dispositif, Kaspar Villiger montre le bien-fondé des réticences exprimées par les adversaires du projet : le bon dosage des dépenses et des recettes en fonction des besoins de la société ne doit pas être lié à un automatisme financier. Si la politique pouvait être remplacée par de l'intelligence artificielle, cela se saurait ! Domaine Public, 14 décembre 2001
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |