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Article Domaine Public, 22 juin 2001 Edito: Comment l'UDC piège la gauche Par Roger Nordmann, 22 juin 2001 Les agissements de Jean Fattebert, vice-président de l'UDC suisse devraient logiquement entamer la crédibilité de ce parti: on ne peut à la fois lutter politiquement contre l’immigration et embaucher des clandestins. Or il n’en est rien: Jean Fattebert joue à l’échelon broyard ce qu’EMS-chemie pratique à l’échelle mondiale, à savoir combiner l’ouverture économique la plus cynique avec la fermeture politique la plus obtuse. L’UDC a érigé la contradiction en machine électorale. En matière d’AVS, elle prétend défendre les modestes retraités, mais appuie les efforts de démantèlement de l’AVS. En politique économique, elle préconise un libéralisme pur et dur: désengagement de l’Etat, libéralisation à tous crins et stimulation par la concurrence. Mais dans la pratique, le chef de son groupe parlementaire, Walter Frey, s’assure de juteux contrat d’importation exclusive. En matière agricole, l’UDC maintient la protection étatique classique. De manière générale, elle s’oppose volontiers à un désengagement de l’Etat lorsque sa clientèle n’y a pas intérêt. C’est ainsi que les petits entrepreneurs et artisans, traditionnellement proches de l’UDC, craignent de devenir les dindons de la privatisation des banques cantonales ou des dispositions concurrentielles sur les marchés publics. La photo de la démocrate du centre Brigitta Gadient remettant au Conseil fédéral une pétition contre la suppression des bureaux de la Poste dans les Grisons est révélatrice de cet attachement opportuniste à l’Etat protecteur. Vieille technique du marketing commercial, la pratique permanente du grand écart réussit bien à l’UDC. Elle lui permet de séduire une partie de l’électorat de gauche. Comme l’UDC n’est que l’une des composantes de la majorité bourgeoise, sa responsabilité dans la dégradation de la situation des personnes modestes et des régions périphériques n’apparaît jamais de manière limpide. Pour la gauche et le PS, la riposte ne s’avère pas facile. La seule dénonciation intellectuelle de cette attitude malhonnête n’est pas efficace. Les socialistes se doivent d’éviter un double écueil. S’ils privilégient la défense des intérêts de la classe moyenne et urbaine, ils abandonnent les couches modestes aux nationalistes cyniques. S’ils singent le populisme de leurs adversaires, ils peuvent engranger quelques victoires. Mais en flattant le sentiment conservateur et nationaliste de la population, la gauche perdra du crédit auprès de son électorat modéré, attaché tout à la fois au progrès écologique et social et à l’ouverture politique et culturelle. A cet égard, la victoire de la gauche zurichoise contre la privatisation des entreprises électriques cantonales n’est pas exempte d’ambiguïté.
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |