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Domaine Public, 6 octobre 2000 Initiative « Oui à l'Europe »: Voter ou ne pas voter...: Le débat n'a pas encore eu lieu Par Roger Nordmann, 6 octobre 2000 Après les accords bilatéraux, la question de l'adhésion à l'Union européenne est devenue une question politique plus qu'économique. Réduit à sa substantifique moelle, l'enjeu pour la Suisse se résume en deux points :
L'identité évolue lentement Les règles de la démocratie directe fixent que l'adhésion à l'Union européenne ne sera possible que lorsqu'une majorité du peuple et des cantons aura révisé sa perception sur ces deux questions centrales. S'agissant de questions éminemment identitaires, les convictions évoluent
lentement. Sur des sujets de cette nature, il n'est pas rare de devoir
procéder à plusieurs votations successives. La première tentative
d'accepter le droit de vote des femmes fut un échec douloureux, de même
que la première tentative d'introduire la libre circulation des personnes
dans le cadre de l'EEE, en 1992. Pourtant, ces deux échecs ont préparé
le terrain, et l'obstacle a pu être franchi une dizaine d'années plus
tard. En Suisse, l'opinion publique ne se forme pas dans les salons ou les
conseils d'administration, mais bien dans le débat qui précède les
votations populaires. Or le premier round du débat sur la nécessité
politique d'adhérer à l'Europe n'a pas encore eu lieu. Tomber les masques La question se poserait différemment si le Conseil fédéral pouvait aujourd'hui compter sur un appui solide aux Chambres en faveur de l'adhésion. Disposant alors d'un réseau pour préparer l'opinion, il aurait pu tenter le coup d'ici quatre ou cinq ans, mais sans garantie de succès. Ce scénario n'est toutefois pas réaliste, car le débat aux Chambres a dernièrement montré de façon claire que les partisans de l'adhésion ne forment au mieux qu'une forte minorité. L'initiative a fait tomber les masques, ce qui n'est pas le moindre de ses mérites. Ceux qui craignent le ralentissement qu'induirait un fort rejet de l'initiative mettent en évidence un risque bien réel. Ils n'ont toutefois pas de stratégie alternative pour faire mûrir l'opinion et secret espoir franchir l'obstacle au premier essai dans quatre ou cinq ans. En effet, leur crainte resterait d'actualité le jour où le Conseil fédéral se lancerait sua sponte dans la bataille. Et il est incontestable qu'un camouflet infligé aux autorités en 2005 retardera davantage l'adhésion qu'un échec de l'initiative en 2001. L'argument selon lequel le débat n'aura pas lieu sur le fond, mais sur la clause de l'ouverture sans délai de négociations ne convainc pas. Comme dans le débat sur l'initiative des 18 %, le fond supplantera la forme. Le rejet de l'initiative xénophobe ne s'est pas joué sur le mécanisme juridique discutable, mais sur le fond : les Suisses ont montré un attachement à la fois économique et émotionnel envers les étrangers. En préconisant le maintien de l'initiative, le NOMES sait que la démocratie directe pose la barre très haut. Il sait aussi que, face à l'opinion, les calculs de cabinet comptent peu. Sa stratégie courageuse portera ses fruits. Domaine Public, 6 octobre 2000
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |