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Roger Nordmann

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Article Domaine Public, 2 juin 2000

Revendication: pour un salaire minimum

Par Roger Nordmann, 2 juin 2000

L’Union syndicale Suisse (USS) demande l’introduction d’un salaire minimum légal de 3000 francs net. Le 22 mai, elle a présenté un rapport d’experts à l’appui de cette revendication. La riposte ne s’est pas fait attendre: le 24 mai, MM. Brunetti et Scheidegger, deux proches collaborateurs de Pascal Couchepin, réagissaient dans la NZZ en esquissant une contre-proposition.

Le diagnostic est sans appel : il y a en Suisse  en Suisse environ 250000 working poors, c’est-à-dire des personnes dont le revenu net après impôt et cotisations sociales est inférieur à 1800 francs (voir DP 1430). Personne ne s’est risqué à affirmer ouvertement que cette situation est acceptable. En revanche, et cela ne surprendra personne, l’ardeur dépensée en vue de proposer des solutions varie selon les couleurs politiques.

Rappelons que les syndicats se sont pendant longtemps opposés au salaire minimum; ils craignaient un aligne-ment à la baisse dans plusieurs secteurs à faible productivité, mais où les salaires prévus par les conventions collectives sont en dessus du minimum envisagé. Aujourd’hui, cette objection n’est plus très pertinente dans une économie ouverte à la concurrence mondiale : lorsque des salariés peu qualifiés sont payés en dessus du minimum légal, c’est que l’entreprise y trouve son compte, par exemple en termes de recrutement ou de motivation au travail. Instaurer un salaire minimum ne changerait guère cette situation. Au contraire, pour rester attractif, un employeur pourrait même devenir plus généreux si ses concurrents sont obligés de fixer les salaires au minimum légal. 

La seconde objection, qui vient de la droite, consiste à dire qu’en imposant par voie légale une augmentation des bas salaires, on diminue le volume de l’emploi. Du coup, on obtient le contraire de l’intention initiale. En effet, la hausse des salaires se répercutant sur les coûts de production, il en résulterait une augmentation des prix, laquelle diminuerait les quantités vendues, et donc les emplois dans le secteur. Les auteurs de l’étude de l’USS ont calculé que l’augmentation de la masse salariale ne dépasserait pas 2% pour le secteur de l’habillement, du cuir et de la chaussure. Dans les services personnels, l’hôtellerie, le nettoyage et le commerce de détail, l’augmentation irait de 2,4 % à 6,7% pour un salaire minimum de 3000 francs brut. Comme les salaires ne représentent qu’une partie des coûts de production, les prix pour le consommateur final ne devraient pas augmenter de plus de 5% dans la branche qui subirait l’augmentation la plus forte. Sur l’ensemble de l’économie, on estime l’augmentation de prix à 0,7%. On voit donc que l’effet est quasiment insensible, en parti-culier si l’introduction est étalée sur cinq ans, comme le préconisent les auteurs. A titre d’exemple, on comprend aisément qu’une augmentation des prix de 1,9 % dans la restauration ne conduise pas à une diminution perceptible de la demande!

Lorsque les détracteurs du salaire minimum prétendent craindre des pertes massives d’emploi, ils affirment implicitement que les personnes concernées ont une productivité si faible que les employeurs perdraient de l’argent s’ils devaient les rémunérer à 3000 francs brut. Or il est évident qu’en l’absence de convention collective de travail contraignante, un employeur a un pouvoir de négociation très fort face à un employé peu qualifié, peu mobile géographiquement et qui a absolument besoin d’un salaire. En raison de cette asymétrie, il y a là une marge de manœuvre que certains employeurs peuvent exploiter. 

Contre-proposition

En guise de contre-proposition, Scheidegger et Brunetti proposent l’introduction d’un impôt négatif: l’Etat payerait un complément aux salaires les plus bas. Ce complément serait proportionnel au taux d’occupation, pour maintenir l’incitation à travailler. Il ne se contenterait pas de combler la différence entre le salaire « avant subventionnement» et un plancher, mais se-rait dégressif. Ceci pour que l’employé fasse pression afin que son salaire soit le plus élevé possible. Il ne serait accor-dé qu’à des ménages dont le revenu global est en dessous du seuil de pauvreté. Ces cautèles limitent les effets pervers de l’impôt négatif : les incitations à travailler sont maintenues. En revanche, le système de l’impôt négatif subventionne les secteurs à bas salaires et à faible productivité, décourage la recherche d’une meilleure efficacité et favorise le maintien de structures surannées. 

En outre, il crée des effets d’aubaines : pourquoi un employeur devrait- il payer correctement si l’Etat est prêt à pallier une attitude trop avare? De plus, contrairement à ce que Scheidegger et Brunetti affirment en se référant aux expériences américaines, les coûts administratifs sont loin d’être négligeables: les expériences en matière de LAMal et de RMR montrent que les informations fiscales ne collent pas à la réalité et qu’il faut une taxation distincte.

Sur le plan de la dignité, l’impôt négatif met ses bénéficiaires en position d’assistés, alors que le salaire minimum augmente la dignité du travail. Même si les symboles ne se mesurent pas en francs, c’est là un aspect important. La proposition de l’impôt négatif au-rait un sens si le salaire minimum avait vraiment un effet réducteur sur l’emploi. Comme ce n’est pas le cas, on ne voit pas en quoi il est supérieur au salaire minimum. Enfin, sur le plan poli-tique, sa réalisation se heurterait à son coût: gageons que l’entourage du ministre radical de l’économie ne se battra pas pour faire passer les augmentations d’impôts nécessaires à le financer, laissant ce «sale boulot» à la gauche. De ce fait, proposer un impôt négatif ne l’engage à rien, car il n’a aucune chance politique de voir le jour. En revanche, c’est un bon fumigène pour combattre l’introduction d’un salaire minimum qui déplaît à quelques moutons noirs parmi les employeurs.

Au niveau international, les salaires minimaux existent dans dix-sept pays de l’OCDE, dont les USA, la France, l’Angleterre, les Pays-Bas, le Japon et l’Espagne. Au terme de nombreuses études théoriques et empiriques, l’OCDE confirme qu’aucun effet négatif sur l’emploi ne s’est fait sentir, à condition que l’on n’impose pas de salaire minimum pour les travailleurs de moins de vingt ans. 

Source:NZZ, 24 mai 2000;

Rapport d’experts sur les salaires minimaux sur www.uss.ch.

Domaine Public, 2 juin 2000

 

 

  

 

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