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Article Domaine Public, 23 mars 2000 Démagogie fiscale: Quand les fourmis deviennent cigales Par Roger Nordmann, 23 mars 2000 Après avoir tenu un discours catastrophiste sur les finances publiques, la droite propose maintenant d'alléger les impôts. C'est faire fi des expériences passées. Pendant dix ans, la droite suisse a martelé l'exigence de finances publiques saines. Cela justifiait ses nombreux programmes d'économies. Or à peine une amélioration annoncée, voilà que déjà, on penche vers un relâchement général. Dans un Etat fédéraliste, la manouvre prend naturellement des formes diverses. Sous la coupole, on sert les lobbies financiers en premier. En Valais, terre catholique, le Grand Conseil préfère les familles : fort chahuté, le PDC peut ainsi espérer retrouver un peu de popularité. A Genève, on recourt, c'est plus payant, aux inititatives pour des baisses linéaires. Autre canton, autres mours : à Zurich, on pense plutôt aux pauvres milliardaires et à leurs héritiers. Dans le canton de Vaud, les libéraux se mordent les doigts d'avoir signé l'année passée un accord d'assainissement. Pris au mot par la gauche et les radicaux lorsqu'ils parlaient de réduction du déficit, les libéraux n'avaient pas réussi à se défiler et avaient souscrit à quelques nouvelles recettes. Vont-ils aller jusqu'à retirer leur signature, au grand dam de leurs deux conseillers d'Etat ? Devenue cigale, la fourmi libérale ira-t-elle jusqu'au parjure ? On oublie si vite les amères expériences ! Le festival de cadeaux fiscaux auquel nous assistons est absurde et dangereux à plusieurs égards. Si l'embellie est évidente sur les comptes de fonctionnement de la Confédération, il en va tout différemment sur ceux de l'AVS. Or les vases sont communicants. De plus, on est loin de l'assainissement, du moins dans les cantons lémaniques. Malgré l'amélioration conjoncturelle, le laxisme actuel pourrait déboucher sur le fait que l'on abordera la prochaine récession sans aucune réserve. L'amère expérience de 1991 semble déjà oubliée ! Enfin, les programmes d'économies ont laissé des séquelles importantes dans tous les secteurs du service public. Aujourd'hui, déjà, on doit d'urgence réinjecter de nouveaux moyens, notamment pour la formation et les infrastructures. Or on sait qu'en raison du référendum, les hausses d'impôt sont presque impraticables. Il est donc imprudent de laisser à vau-l'eau des pans entiers d'impôts. Que le centre-droite, largement majoritaire, ne le comprenne pas, étonne : en fin de compte, c'est lui qui gère le pays. Croit-il, en s'aventurant sur ce terrain, pouvoir concurrencer l'UDC ou les libéraux romands ? On sait qu'en politique aussi l'original est plus prisé que la copie. Si le centre-droite retrouvait davantage de colonne vertébrale, gageons qu'il aurait moins de problèmes de crédibilité auprès de ses électeurs !
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |