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Article Domaine Public, 25 fevrier 2000 Constituante Vaudoise: Transcender le débat sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat Par Roger Nordmann, 25 février 2000 Deux cents ans après la Révolution française, l'Eglise et l'Etat ne forment qu'un dans le canton de Vaud. Autant dire que la Constituante est un creuset idéal pour voir s'épanouir, mutatis mutandis, des querelles à la Pepone et Don Camillo. La manne de 60 millions que l'Etat consacre chaque année aux Eglises catholique et réformée envenime le débat de principe, tout en excitant les convoitises. N'est-il pas temps, ici plus qu'ailleurs, de trouver une troisième voie ? Par exemple en instaurant un impôt spécial obligatoire destiné à la vie religieuse, civile, sociale, associative et politique ? L'utilité du travail social des Eglises est largement reconnue. Il serait fâcheux de leur supprimer toute contribution de l'Etat. Pour justifier le soutien étatique, le professeur de théologie Roland J. Campiche1 identifie cinq fonctions des Eglises vis-à-vis de l'Etat : la production de sens, l'instance critique, le service social, la fonction culturelle, la valorisation de la coexistence religieuse. L'examen de ces critères montre que, si les institutions religieuses et leurs organisations les remplissent, elles ne sauraient cependant prétendre à un monopole en la matière. D'une position naturellement prédominante, il y a une cinquantaine d'années, les Eglises sont devenues des acteurs parmi d'autres aujourd'hui. L'éventail des organisations qui satisfont plusieurs de ces critères est désormais très large : des partis politiques aux associations de quartier en passant par les ouvres d'entraide laïques et religieuses ainsi que les organisations à vocation culturelle et idéale, bref, toute la vivacité du secteur non gouvernemental. Force est toutefois de constater que, sur le plan des moyens, les dés sont pipés : d'un côté, les Eglises, généreusement financées par l'Etat, de l'autre les ONG qui tirent le diable par la queue. Il faut trouver un moyen de rétablir l'équilibre. Le système proposé ci-dessous le permettrait. Un impôt séparé Il s'agirait de détacher du budget général de l'Etat la part d'environ 60 millions qui est actuellement consacrée aux Eglises. Cela correspond à quatre points d'impôt. Concrètement, le législateur baisserait le taux cantonal de 129 à 125 points. En contrepartie, on prélèverait obligatoirement quatre points additionnels d'un impôt spécial destiné à la vie religieuse, civile, sociale, associative et politique. Sur chaque déclaration d'impôt des personnes physiques, le contribuable «voterait » pour indiquer à quel(s) organisme(s) sont destinés les points de l'impôt spécial. Le choix se ferait entre plusieurs Eglises reconnues, des associations et des organismes caritatifs, politiques, sociaux ou culturels. Le rendement total de l'impôt spécial serait réparti entre les organismes au prorata du nombre de contribuables leur ayant attribué une voix. Les personnes morales ne voteraient pas. Tout organisme pourrait se faire admettre sur la liste des bénéficiaires à choix, dès lors qu'il apporte un certain nombre de garanties que le législateur spécifierait, telles que, par exemple, avoir des objectifs statuaires non lucratifs, faire l'usage des fonds en conformité aux statuts, garantir des prestations d'utilité publique, maintenir une taille minimum, publier l'identité des donateurs (hors impôt spécial) ou assurer démocratie interne et transparence. Le cas échéant, le contribuable pourrait disposer de quatre quarts de voix, ce qui lui permettrait de répartir sa manne entre quatre organismes au plus. Le système aurait l'avantage de ne forcer personne à financer des Eglises diffusant des idées auxquelles il ne croit pas. Pondération Pour éviter un système de vote censitaire, il y aurait lieu de prévoir que chaque contribuable dispose d'une voix, indépendamment de son revenu. Les couples auraient deux voix. Il ne serait en effet guère concevable que chaque contribuable oriente directement le montant de ses propres impôts selon ses désirs, car l'influence dépendrait de la situation économique personnelle, ce qui serait éminemment antidémocratique. Le système de l'impôt spécial pourrait le cas échéant être limité à l'équivalent de trois points d'impôt. Un point resterait attribué d'office aux Eglises, sur la base d'un contrat de prestation pour des fonctions sociales (telles que les visites à domicile et les enterrements par exemple). Toutefois, le caractère bureaucratique et parfois un peu fictif du contrat de prestation plaide plutôt pour une unicité sous le régime de l'impôt spécial. Les organismes n'auraient pas à se plier au schématisme réducteur d'un contrat de prestation. r n 1Les relations entre l'Eglise et l'Etat en modernité tardive, Rapport à l'EERV et à l'Eglise catholique romaine, Roland J. Campiche, août 1999.
Domaine Public, 25 fevrier 2000
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