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Article Domaine Public, 20 janvier 2000 Tutelles et curatelles: Garantir la compétence et le sérieux Par Roger Nordmann, 20 janvier 2000 La révision du droit tutélaire est en vue, nous apprend le Tages-Anzeiger. Il sagit de prévenir toute privation abusive de droits. Le système serait affiné en ce sens quil existerait plusieurs degrés de protection, contre seulement deux aujourdhui (la tutelle et la curatelle). De surcroît, la protection pourrait être différenciée par domaine : un " protégé " pourrait ainsi être sous tutelle pour le choix de ses fréquentations, mais sous curatelle pour son logement et sous " assistance légère " pour son argent de poche... Toutes louables quelles soient, ces mesures compliquent ultérieurement lexercice de la tutelle et rendent donc encore plus urgente ladaptation du volet concernant la désignation des tuteurs. Ainsi, le code civil prévoit aujourdhui pour les citoyens mâles entre 18 et 60 ans lobligation daccepter toute tutelle ou curatelle. Dans les cantons progressistes, la large majorité des tutelles sont prise en charge par un service spécialisé de ladministration. Dans dautre, comme Vaud par exemple, les tutelles sont en général confiées à des particuliers, sans considération pour la complexité des cas (voir ci-contre). Cette situation lèse gravement les intérêts des personnes sous protection : le système tient de la roulette russe dès lors que lon confie ces mandats à nimporte qui. Puisque certains cantons abusent des dispositions actuelles du Code civil pour se dégager de leurs responsabilités, ces dernières doivent être corrigées. Il faut au minimum compléter larticle 383 (voir encadré) dune part en instaurant des motifs précis de refus de lexercice dune tutelle liée à la complexité du cas. Dautre part les personnes désignées tuteurs devraient avoir droit à une indemnité financière. On pourrait par exemple leur offrir 50 francs pour une heure passée à soccuper de leur pupille, comme calculer sur une base forfaitaire. La fonction deviendrait ainsi plus attractive.. Enfin lexercice de la tutelle devrait être volontaire. Le système actuel est hérité dune conception paternaliste issue du 19e.. En outre, la désignation des tuteurs " à la tête du client ", est éminemment inique, car les tuteurs désignés sont précisément des gens qui sengagent déjà pour le bien de la société dans la vie politique ou associative. Au lieu de concentrer le travail sur un groupe de personnes actif professionnellement et engagé, on pourrait plutôt imaginer que les tutelles soient confiées à des jeunes retraité(e)s sur une base volontaire.
Authentique vaudoiserie Louis*, 24 ans, sest vu imposé contre son gré la fonction de tuteur de Jean*, polytoxicomane de 32 ans quil ne connaissait ni dEve, ni dAdam. Brève anamnèse: en dépit de la prescription médicale dune solide dose de méthadone et de médicaments, Jean consomme régulièrement de lhéroïne et quatre types de somnifères. Daprès les médecins, Jean a le développement mental dun enfant de 13 ans. Il na pas fini sa scolarité obligatoire et na jamais travaillé. Après des passages à travers de nombreuses institutions, jean vivait dans le studio dans lequel son frère aîné était récemment décédé dune overdose. Au moment où Louis a repris la tutelle, début 1998, Jean venait de se casser la jambe en sautant de la fenêtre de son studio situé au deuxième étage : il était " en manque " et ne trouvait plus ses clés. Après une légère amélioration de son état de santé due aux soins reçus à lhôpital, Jean refuse pour la énième fois dentrer dans un foyer à bas seuil, cest à dire nexigeant pas de volonté préalable de se désintoxiquer. Durant les mois qui suivent, il fait une dizaine doverdoses qui lui valent à chaque fois une brève hospitalisation et parfois une amende ou une condamnation pénale : thérapeutiquement inutiles, ces condamnations ne sont de toute façon jamais purgées... Elles occupent simplement un appareil judiciaire qui semble avoir du temps à revendre ! Ce cycle infernal est brutalement interrompu par lincendie de son studio : Jean " part en flash " en oubliant sa cigarette. Sen suivent deux mois de cauchemar pour Louis qui doit faire le siège de tout ce que le canton compte dassistants sociaux, dinfirmiers psychiatriques, de foyers et de juges de paix : il sagit dobtenir une décision judiciaire dinternement pour Jean et de trouver une place dans un foyer qui nexige pas de volonté préalable de désintoxication. Après quelques atermoiements, la justice de paix a reconnu quelle avait désigné Louis parce que son nom figurait sur une liste électorale et que le fait davoir été élu lui semblait offrir une garantie de moralité. Pas un instant, elle ne sest demandé si Louis disposait des compétences et de lexpérience voulues. Il aurait plus sortir lui-même dune toxicomanie quelle ne laurait pas su! Sans aucune formation préalable, Louis simprovise assistant social: négociations avec lAI, laide sociale, le fisc, les foyers, les parents, lassurance incendie, la police et la justice ainsi que colloques divers saccumulent. En guise dindemnité, Louis a bénéficié pour 1998 de largesses exceptionnelles, aux dires la Justice de paix: en ayant documenté 80 heures de travail, il a touché fr. 1000.-, soit fr. 12.50 de lheure, sans un mot de remerciement. *Nom demprunt, identité connue de la rédaction.
Domaine Public, 20 janvier 2000
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |