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Article Domaine Public, 24 décembre 99 Une idée très suisse: Breveter le monopole ! Par Roger Nordmann, 24 décembre 1999 Dans un récent arrêt dont les considérants nont pas encore été publiés, le Tribunal fédéral a décidé que les importations parallèles de produits brevetés sont illégales. Si elle obéit peut être à une argumentation juridique, la jurisprudence ainsi rendue échappe à toute logique économique et néglige le postulat de protection des consommateurs. Petit rappel : le mécanisme du brevet permet à une entreprise de couvrir les coûts de recherche et de développement de nouveaux produits, et accessoirement damortir le coût des recherches qui nont abouti à rien : quand on cherche, on ne trouve pas toujours. Naturellement, ce mécanisme du brevet est un Ersatz insatisfaisant : en théorie, il faudrait répartir la somme de coûts de développement dun nouveau produit sur tous les exemplaires vendus, y compris par les concurrents, qui devraient alors rétrocéder les montants correspondants à lentreprise qui a procédé au développement . Malheureusement, cette façon de procéder est irréaliste, car on ne sait pas à lavance combien dexemplaire du produit breveté seront vendus. Dautre part, il faudrait prévoir un montant pour amortir le coût des recherches échouée. Ces deux éléments font quil est impossible de se mettre daccord sur le montant à rembourser par unité vendue. Une solution pratique Le brevet permet donc de pallier à ces difficultés en accordant un monopole de durée limités à lentreprise titulaire du brevet. Cette dernière peut ainsi amortir ses frais de recherche et de développement grâce à ce que lon appelle la « rente de monopole » : lentreprise nétant pas soumise à la concurrence, elle peut choisir un prix qui, multiplié par les quantités vendables à ce prix et après soustraction des coûts, lui rapporte le plus grand bénéfice. Cest là quapparaît le problème du brevet, car le montant de la rente de monopole na absolument rien à voir avec celui des frais de développement. Les montants que lentreprise arrive à gagner grâce au monopole dépendent en fait surtout de la demande pour ce produit : sil assez indispensable à un grand nombre de gens (demande « inélastique »), lentreprise titulaire du brevet peut fixer un prix plus élevé que les consommateurs accepteront bon gré mal gré de débourser. Ce prix ne reflète en rien les coûts de production, comme il est sensé le faire en situation concurrentielle. Effet renforcé à outrance Lavantage variable que confère le brevet augmente encore si ce dernier donne droit à un monopole national de distribution, comme la décidé le TF. En plus de pouvoir fixer un prix mondial unique qui dépasse les coûts de production, lentreprise au bénéfice dun brevet peut ainsi différencier le prix dun pays. Cela lui permet de profiter des différences de pouvoir dachat et du caractère plus ou moins indispensable du produit selon le pays. Sil sagit dun médicament obligatoirement remboursé, elle peut aussi différencier le prix en fonction de lefficacité de la surveillance politique. Vu la force du Lobby pharmaceutique en Suisse, cette possibilité nest pas inintéressante sous nos latitudes... Si lon le brevet ne donne pas droit au monopole national, le producteur ne peut pas fixer des prix plus élevés en Suisse. En effet, sil le fait, un importateur parallèle aura tôt fait de conquérir le marché en achetant moins cher à létranger le produit breveté pour limporter. On voit donc quinterdire les importations parallèles revient pour ainsi dire à protéger par un brevet non seulement linvention, mais aussi les circuits de vente inefficaces ou protégés par des contrats dexclusivité nationale ! Correction nécessaire Le législateur doit absolument corriger la lacune juridique que le TF a comblé par cet acte de jurisprudence discutable. Il y a lieu de poser une limite à leffet commercial des brevets, vu le caractère très arbitraire du montant des bénéfices quils garantissent. Ceci est dautant plus vrai que les contrats dexclusivité ne sont vraiment juteux et intéressants que pour les produits qui se vendent bien, cest à dire justement ceux dont les frais de recherche sont vraisemblablement plus quamorti. Une correction au niveau législatif est dautant plus indispensable quil nest pas sûr que les accords bilatéraux remédient au problème, car le secteur des brevet en est exclu. En attendre ladhésion à lUnion Européenne, ce sont les consommateurs qui sont les dindons de la farce ! Domaine Public, 24 décembre 99
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |