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Article Domaine Public, 17 septembre 99 Amarrer les Balkans à l'Europe Par Roger Nordmann, 17 septembre 1999 Dans un papier 1 dune quarantaine de pages publié en mai, alors que la guerre faisait encore rage au Kosovo, le Center of european Studies de Bruxelles esquisse une stratégie européenne de normalisation dans les Balkans. En ces jours dinvestiture de la Commission européenne, ce document prend un relief tout particulier car il est le fruit dun brain-stroming mené sous la direction de Romano Prodi en personne. Tirant les leçons de lexpérience bosniaque, les auteurs estiment que tous les efforts damélioration qui nenglobent pas toute la région sont voués à léchec, parce que la menace extérieure, réelle ou putative, bloque les réformes internes nécessaires au décollage des cinq entités (la RFY, la Croatie, la Bosnie, le Kosovo et lAlbanie). Ils constatent aussi quaucune dentre elles ne pourra sen sortir seule, car elles sont trop faible sur les plans économiques et démographiques. Une certaine approche américaine, qui préconise une intégration de ces pays dans un ensemble régional propre, leur paraît illusoire, du moment que lhistoire récente a laissé trop de trace pour permettre une collaboration volontaire et que la confiance manque. Il y a lieu de concevoir un cadre qui condamne à léchec les stratégies attentistes et nationalistes. Ce plan doit être suffisamment réaliste pour pouvoir être lancé dans les conditions actuelles. Il doit impérativement être ambitieux, crédible et axé sur le long terme, afin stimuler les énergies positives. Un coordination globale est indispensable, pour ne pas répéter les erreurs dorganisation faites en Bosnie, où laction internationale, bien que massive, était trop disparate pour permettre la renaissance dune société multietnique. On le pressent, cest tout naturellement lUnion Européenne qui a la vocation, lintérêt ainsi que la force économique et politique nécessaire de mener le jeu. Constatant dune part que ces pays ne sont pas préparés à ladhésion et que dautre par lUE doit réformer ses institutions avant de sélargir à plusieurs petit pays, les auteurs préconisent de créer un second Espace économique européen, qui aurait pour vocation de préparer ces pays à ladhésion. Cet EEE dun nouveau genre devrait être lancé en 2000 par un big-bang consistant à supprimer tous les tarifs douaniers entre lEurope et ces pays, ainsi quentre ces pays eux-mêmes. Substantiellement, cela reviendrait à étendre laccord de libre-échange qui existe entre lEurope des 18, la Turquie et Chypre. Pour les Balkans, ce pas marquerait la fin de léconomie de guerre. Louverture des frontières affaiblirait considérablement les mafias qui vivent des trafics transfrontaliers. Labolition des droits de douane nest possible que si lUE sengage à compenser financièrement le manque à gagner pour les gouvernement de ces pays. Au yeux des auteurs, lUnion peut sans autre se le permettre, car la région est très petite (25 millions dhabitants, contre près de 400 pour lUE). La question monétaire devrait également être résolue immédiatement dans le cadre du big-bang. On sait en effet quavec la crise financière russe, les conditions demprunt sont devenue très défavorables pour ce type de pays. Les possibilités de financement de la reconstruction sen trouvent dramatiquement limitées. Pour cette raison, les auteurs proposent que ces pays adoptent lEuro comme monnaie (et le DM jusqu'à lintroduction de lEuro liquide ). Ce pas nest possible quà deux conditions. Dune part, la perte des droits de seigneuriage doit être compensée par les ressources provenant du budget de lUnion. Dautre part, pour des raisons politiques évidente, cette annexion monétaire doit sinscrire dans la préparation dune adhésion à lUE. Outre le fait que cette « euroisation » offre lavantage dintégrer immédiatement ces pays dans les circuits bancaires, elle communiquerait par sa force symbolique à toutes les populations de la région la détermination politique de créer une paix durable. Cette première étape ne devrait être liée a aucune autre condition que la cessation des hostilités militaires (ce qui a eu lieu entretemps). Poser des exigeances drastiques au début du processus lempêcherait tout simplement de démarrer, maintenant ainsi le cercle vicieux de la haine qui prévaut actuellement. Si le maintien au pouvoir de Milosevic est évidemment défavorable, les auteurs estiment quexclure la Serbie pour ce seul motif serait totalement contre-productif, tant du point de vue économique que politique. Ce point de vue rejoint clairement celui de lopposition démocratique en Serbie. Il nen demeure pas moins que le cas Milosevic est des plus épineux, car sa non-solution ne peut que nuire au processus envisagé. Il faudrait ensuite étendre progressivement les libertés économiques selon le même schéma : louverture vers lEurope doit naturellement conduire à une louverture entre les pays de la région. A linverse du Big-Bang, les prochaines étapes seraient liées aux mêmes conditions que pour les pays dEurope centrale en matière de démocratie, de droit de lhomme et de respect des minorités. Pour relancer léconomie de la région, il est indispensable de reconstruire à brève échéance les infrastructures publiques (transports et électricité). Le soutien massif de lUE est décisif à cette égard. Les exigences de bienséance politique devraient être plus sévères que pour le big-bang, sans toutefois être dépasser ce quun pays comme la Serbie peut réaliser immédiatement. Pour venir à bout de cette tâche colossale, les auteurs pensent que Bruxelles devrait se doter dune agence autonome pour la reconstruction et le développement du Sud-est de lEurope. Il faut en effet surmonter la congestion actuelle des processus décisionnels de lUE, qui ne permet plus de confier des tâches supplémentaires à la Commission. Sur le plan financier, les auteurs estiment que la planification adoptée lors du sommet de Berlin au début de lannée offre des ressources suffisantes. En terme de gestion et de mise en uvre, toute stratégie cohérente dans la région exige une coordination optimale entre les volets économiques, de sécurité et politiques (droit et lhomme et des minorités en particulier). Pour cette raison, le volet de la sécurité doit être progressivement cédé par les Américains aux Européens. Les auteurs estiment que les USA accepteront de se désengager, car il est dans leur intérêt bien compris que lEurope arrive à pacifier définitivement les Balkans Sur le plan institutionnel, les pays balkaniques deviendraient membres associés de lUE. Ils auraient dans un premier temps des voix consultatives au sein des institutions européennes. Ils pourraient participer à lentier des programmes lUnion (formation, « institutions-building », fonds structurels). Au fur et à mesure de lapprofondissement de lassociation, ces pays reprendraient lacquis communautaire, le but final étant ladhésion complète. La dimension politique est absolument décisive pour une autre raison : on ne saurait prôner lintégration de ces pays tout en renforçant le « rideau de fer » qui les sépare des pays de lUnion en matière dimigration, dasile, le police et de coopération judiciaire. Ce secteur, communément appelé « troisième pillier » de lUE, doit donc faire lobjet dune grande offensive de coopération. Il sagit dassocier les Balkans plutôt que les isoler ! Il faut notamment lutter contre les activités criminelle à large échelle. La répression, toute utile quelle soit, ne suffit pas si lon ne combat pas le mal à sa racine socio-économique. Un tel plan, résumé à lextrême dans ce compte-rendu, peu paraître utopiste. Toutefois, la perspective dune adhésion et de la prospérité est le seul moteur suffisamment fort pour surmonter la folie nationaliste. Face à des difficultés de cette ampleur, lambition est nécessaire. La recherche de frontières optimales ne saurait tenir lieu de programme. Espérons que Romano Prodi saura mener lEurope sur cette voie.
Une situation économique désastreuse
(1)
A System of Post-War South-East Europe (Plan for
Reconstruction, Openess, Developpement and Integration), par
M. Emerson, D. Gros, W. Hager, P. Ludlow et N. Whyte,
Working Document 131, Centre of European Studies,
Bruxelles. Domaine Public, 17 septembre 99
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |