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Article : Le Temps, 2 avril 1998
Faut-il soutenir Oui à l'Europe? Le Conseil fédéral n'a pas pris de position claire sur l'initiative déposée par les jeunes pro-européens. Les Suisses, eux, devront bientôt se déterminer. Par Roger Nordmann, le 2 avril 1998 Le Conseil fédéral constate que l'initiative Oui à l'Europe poursuit le but stratégique qu'il s'est lui-même fixé à adhérer à l'Union européenne. Dès lors, il ne peut recommander un rejet pur et simple, ce qui serait vu comme une manifestation d'incohérence. Le gouvernement envisage trois possibilités: un contre-projet formel (constitutionnel); un contre-projet indirect (législatif); dire oui à l'initiative, en rappelant clairement que c'est lui qui choisit le moment de la votation. Le contre-projet direct supprimerait l'expression sans délai, au sujet de laquelle Moritz Leuenberger a malicieusement demandé ce qu'elle pouvait bien signifier en politique suisse. Or tirer prétexte de ces deux mots pour rejeter l'initiative relève de l'argutie juridique: d'une part, l'initiative énonce une intention (ouvrir des négociations) et non un acte (adhérer). D'autre part, sans délai signifie forcément dès que possible, le Conseil fédéral étant compétent pour apprécier l'opportunité du moment. Le contre-projet formel présente un autre défaut majeur: il lie les mains du gouvernement, puisque ce dernier ne peut plus le retirer jusqu'à la votation populaire. Le Conseil fédéral se priverait ainsi de la possibilité d'ouvrir des négociations de sa propre autorité. L'initiative, rétractable en tout temps, n'a pas cet inconvénient. Quant au contre-projet indirect, soit une loi d'intention soumise à référendum facultatif, ce n'est qu'un artifice pour contourner la délicate exigence d'une majorité des cantons. Personne n'en sera dupe. Et l'exigence de la double majorité réapparaîtra de toute façon au moment de ratifier l'adhésion. En fait, le choix du Conseil fédéral est assez simple: ouvrir spontanément des négociations, ou se servir de l'initiative (en l'approuvant) pour obtenir préalablement l'appui du peuple et des cantons. Ces deux variantes sont les seules qui évitent des contorsions du type nous sommes favorables, mais votez non. Enfin, mettre en parallèle l'initiative Oui à l'Europe avec la votation sur l'EEE à qui aurait échoué à cause de l'annonce de l'objectif stratégique de l'adhésion à n'est pas pertinent. Le débat dure aujourd'hui depuis six ans, les esprits ont mûri. Que le Conseil fédéral affiche ou non son but stratégique, les adversaires des négociations bilatérales ne se priveront pas d'affirmer qu'elles constituent un premier pas vers l'adhésion. L'enlisement des bilatérales va forcer le Conseil fédéral à revoir sa stratégie. Ces négociations n'aboutiront pas dans la constellation actuelle. La perte de souveraineté qu'elles impliquent n'est pas compensée par une participation aux décisions de l'UE, ce qui ne serait pas le cas avec une adhésion. Dès lors, le gouvernement pourrait ouvrir des négociations d'adhésion, en obtenant en contrepartie que l'UE mette en vigueur immédiatement les cinq accords sectoriels sous toit (à l'exclusion des transports et de la libre circulation des personnes). Il va de soit que l'UE ne l'accepterait que pour une durée est limitée. Un délai de deux à quatre ans constituerait une excellente solution transitoire jusqu'au vote sur l'adhésion. Pour l'économie, l'avantage serait immédiat. R.N.
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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne, Twitter @NordmannRoger 1.04.2017 |